Deux ans après la publication en 1929 du Manifeste du cercle de Vienne, l'article de Blumenberg et Feigl semble avoir pour visée de rendre compte de l'unité d'un mouvement autour d'une même « conception scientifique du monde ». Pourtant, une brève comparaison entre ces deux textes révèle une tonalité divergente : en 1931, dans le contexte de l'entre deux guerres, la nécessité d'internationaliser le mouvement se fait des plus impérieuses. L'esprit de vulgarisation et de dogmatisme qui caractérise explicitement le présent texte traduit une volonté de dégager une unité forte, au risque de caricaturer le mouvement. Alors qu'en 1929, les savants, scientifiques et philosophes réunis en dépit parfois d'opinions opposées s'en tenaient à des propos plus réservés et déclaraient que : « la conception scientifique du monde ne se caractérise pas tant par des thèses propres que par son attitude fondamentale, son point de vue, sa direction de recherche », l'article de Blumberg et Feigl dessine lui une « unanimité ».
La publication en mai 1931 de cet article dans la revue Journal of Philosophy, spécialisée dans les rapports entre la philosophie et les autres disciplines comme les sciences et la psychologie, est donc destinée à susciter l'intérêt de la communauté scientifique internationale, en particulier celle des pays anglo-saxons. Les Etats-Unis seront par la suite un des foyers privilégiés d'émigration de certains des membres du cercle, comme celui d'une réception majeure des idées qu'ils véhiculent. Herbert Feigl lui-même est un des premiers membres fondateurs à y trouver refuge : ancien élève de Schlick à Vienne, il obtient en 1930 la prestigieuse bourse Rockefeller de Harvard et poursuivra jusqu'à la fin de sa vie ses activités d'enseignant au sein d'universités américaines. Il créera même en 1953 un centre de recherches et d'études autour de la philosophie des sciences à l'université du Minnesota. Ses publications d'autre part témoignent d'un intérêt constant pour la propagation internationale des idées du cercle de Vienne et l'histoire du mouvement positiviste logique, à l'instar d'ouvrages comme : The power of Positivistic Thinking (1963), The origin and spirit of Logical Positivism (1969) et The Wiener Kreis in America (1969).
Mais ce que la postérité retient essentiellement de ce texte, c'est l'expression de « positivisme logique », diffusée par les auteurs eux-mêmes à l'occasion de la publication de l'article. Celle-ci se révèlera par la suite problématique : le refus de s'inscrire dans le prolongement direct de la philosophie de Comte et la volonté de dénoter avant tout le caractère scientifique du programme des membres du Cercle, leur fera préférer par la suite l'expression « empirisme logique », aujourd'hui majoritairement usitée.
[...] Exposé sur l'article de Blumenberg et Feigl Le positivisme logique, un nouveau courant dans la philosophie européenne in L'Âge d'or de l'empirisme logique Christian Bonnet et Pierre Wagner Deux ans après la publication en 1929 du Manifeste du cercle de Vienne, l'article de Blumenberg et Feigl semble avoir pour visée de rendre compte de l'unité d'un mouvement autour d'une même conception scientifique du monde Pourtant, une brève comparaison entre ces deux textes révèle une tonalité divergente : en 1931, dans le contexte de l'entre deux guerres, la nécessité d'internationaliser le mouvement se fait des plus impérieuses. [...]
[...] La dénonciation de l'imposture langagière de la métaphysique qui ne produit que des simili- énoncés l'incapacité des philosophes à proclamer sa mort conduit les professionnels du sens à prendre en charge son achèvement et le passage vers l'analyse logique et la philosophie scientifique Que reste-il alors de la philosophie après l'élimination de la métaphysique ? Doit-elle être considérée comme une pure syntaxe logique du langage ? 2. La tâche de la philosophie En cohérence avec cette théorie de la signification, la tâche de la philosophie consisterait uniquement dans la clarification des propositions, ce qui lui confère une fonction strictement critique. [...]
[...] Tout d'abord, le fait qu'ils ont une connaissance très précise des dernières découvertes scientifiques, et des progrès de la science (en effet, la tradition du Cercle de Vienne se caractérise par une grande proximité avec les scientifiques de l'époque, par exemple Gödel, Einstein, Tarski). Ils l'affirment eux-mêmes avec une certaine fierté : le positivisme logique s'est développé en contact étroit avec les recherches sur les fondements des sciences Ensuite, l'accord de leurs théories épistémologiques avec ces nouvelles découvertes. Puisqu'ils veulent constituer une philosophie scientifique en elle-même, ce passage est donc capital : elle doit être une analyse critique des sciences elles- mêmes, ni séparée, ni indépendante, ni supérieure aux sciences particulières. [...]
[...] o Texte vulgarisateur, thèses dogmatiques : paradoxe d'une volonté de réconciliation, de convergence, alors que marque plutôt un divorce. Texte qui permet de mettre à jour les problèmes centraux : le linguistic turn, la réunion des propositions et des faits dans une science faite d'énoncés logiques. C'est en rapport à ce texte que ceux qui en font partie chercheront à préciser leur position et à se démarquer des généralisations qui y sont faites. En 1935 à Paris, le ton sera à l'inverse un ton de rupture. [...]
[...] En définitive, on voit qu'il ne s'agit pas d'une simple révision du positivisme de Comte, mais bien d'un nouvel éclairage sur ce que sont la science et la théorie de la connaissance. Il y a en effet une véritable volonté de synthèse de la tradition et des nouvelles avancées. On peut remarquer de plus qu'ils font le choix de laisser de côté le terme empirisme logique qui sera pourtant l'appellation imposée à partir de 1935, et que la majorité des auteurs de ce courant useront par la suite. [...]
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