Expliquez le texte suivant:
« Ma troisième maxime était de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune et à changer mes désirs que l'ordre du monde ; et généralement, de m'accoutumer à croire qu'il n'y a rien qui soit entièrement en notre pouvoir, que nos pensées, en sorte qu'après que nous avons fait notre mieux, touchant les choses qui nous sont extérieures, tout ce qui manque de nous réussir est, au regard de nous, absolument impossible. Et ceci seul me semblait suffisant pour m'empêcher de rien désirer à l'avenir que je n'acquisse, et ainsi pour me rendre content. Car notre volonté ne se portant naturellement à désirer que les choses que notre entendement lui représente en quelque façon comme possibles, il est certain que, si nous considérons tous les biens qui sont hors de nous comme également éloignés de notre pouvoir, nous n'aurons pas plus de regret de manquer de ceux qui semblent être dus à notre naissance, lorsque nous en serons privés sans notre faute, que nous avons de ne posséder pas les royaumes de la Chine ou du Mexique ; et que faisant, comme on dit, de nécessité vertu, nous ne désirerons pas davantage d'être sains, étant malades, ou d'être libres, étant en prison, que nous faisons maintenant d'avoir des corps d'une matière aussi peu corruptible que les diamants, ou des ailes pour voler comme les oiseaux. »
DESCARTES, Discours de la méthode (1637)
[...] Ce modèle stoïcien parle toujours à notre société. Cette voie de la modération n'est pas sans nous apporter des éléments pratiques à mettre en œuvre pour notre existence. Il est important toutefois de ne pas traduire cette attitude comme de la résignation mais bien de l'assimiler à une sagesse qui nous conduira au bonheur et à la liberté. Il s'agit d'une morale qualifiée de provisoire mais il s'agit bien d'une morale pratique qui inclut un objectif essentiel pour Descartes : notre liberté. [...]
[...] Et enfin, nous verrons la force de l'argumentation de Descartes qui nous prouve qu'il serait en effet vain de désirer ce que nous ne pouvons de fait pas obtenir. I)Se limiter à ce qu'il nous est possible de faire et d'avoir, et tenter d'agir sur soi-même plutôt que de désirer changer le monde, tenter d'aller vers une morale de la modération, se montrer sensé en toutes choses, voici ce que tente de nous démontrer Descartes dans le premier mouvement de son texte. [...]
[...] Dans cet extrait issu de la troisième partie du « Discours de la méthode », ouvrage rédigé dans les années 1630, nous pouvons distinguer deux grands mouvements. Dans un premier mouvement, Descartes formule la thèse selon laquelle il est préférable de chercher à se changer soi-même et modifier ses désirs plutôt que de vouloir changer le monde. La conjonction de coordination « car » marque une rupture dans le mouvement de ce texte et débouche sur un lien de cause à effet où Descartes nous présente en évoquant ce que sont la volonté, l'entendement et le désir. [...]
[...] Qu'en est-il de notre capacité de maîtrise ? Sommes-nous prisonniers de nos désirs ? Nos désirs sont-ils là pour être interrogés et modérés ou sont-ils là pour nous emprisonner dans des rêves illusoires qui nous éloigneraient de la réalité et donc de notre liberté ? III) Dans la dernière partie de cet extrait, Descartes met un point final à son argumentation en nous prouvant par A + B qu'il serait en effet vain de vouloir désirer ce que nous ne pouvons pas obtenir. [...]
[...] Cette morale qualifiée de provisoire permettait de pallier un temps à l'absence de certitude mise en place après la nécessité du doute, premier élément de la méthode élaborée par Descartes. Cependant, la question que nous pourrions nous poser est de savoir sous le regard de la psychanalyse avec Freud et Lacan, s'il est réellement en notre capacité de changer l'objet de nos désirs ? Le désir étant constitutif du sujet et lui échappant le plus souvent, n'est-ce pas une illusion que de croire pouvoir en modifier son objet ? [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture