Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, Rousseau, penser sans langage, imagination, discours, idées particulières, idées générales
Peut-on penser sans langage ? C'est la question à laquelle Rousseau tente de répondre dans cet extrait, en s'attachant à distinguer deux catégories d'idées : les idées particulières et les idées générales. Rousseau tend ainsi à instituer un ordre d'idées pour préciser sa thèse : il affirme que les idées générales ne peuvent être pensées sans le langage. Avec l'exemple de l'être animal privé du langage et de possibilité d'évolution, Rousseau montre le caractère évolutif de la capacité à penser les idées générales, il s'applique par la suite à distinguer deux domaines de pensée, l'imagination et le discours, en soutenant que l'imagination est un obstacle à l'avènement de l'idée générale. Enfin, il opère une déduction sur la constitution chronologique du langage à partir de ses précédentes affirmations.
[...] Rousseau en déduit que dans la formation chronologique du langage, les premiers noms à avoir été inventés étaient nécessairement des noms propres. Cela sous-entend que les premières idées à avoir été nommées étaient particulières étant donné que le nom propre désigne une chose unique et singulière. En somme, la création du nom commun n'aurait pas pu se faire avant celle du nom propre. De fait, on peut en déduire que l'idée générale ne peut pas advenir si un sujet n'a pas d'abord conscience de l'idée particulière. [...]
[...] Il semble prendre pour acquis le fait que l'idée soit préexistante au mot. Cette affirmation contredit la thèse de Saussure, qui considère que le mot, plus précisément le signe, n'existe pas sans l'idée, que la naissance du mot coïncide avec celle de l'idée. En effet, Saussure conçoit le signe comme un ensemble constitué de deux complémentaires, le signifiant (un ensemble de phonèmes) et le signifié (l'idée) l'un ne pouvant exister sans l'autre. Il semble en réalité que Rousseau et Saussure n'aient pas la même conception de l'idée. [...]
[...] La conception d'idée générale est affirmée comme étant inhérente à la langue et est présentée comme étant le propre de l'homme. Elle se distingue de l'imagination qui est le deuxième vecteur de pensée avec le discours. Par là est suggéré qu'une pensée sans paroles est possible, mais qu'elle sera toujours limitée. L'examen opéré sur le concept d'idée général permet à Rousseau d'élargir sur la question de la constitution du langage : s'il ne précise pas vraiment comment les premières idées ont fait surface dans l'esprit des hommes, il détermine l'ordre d'apparition des idées et des noms correspondants comme allant du particulier au général. [...]
[...] La démonstration est réitérée avec l'exemple du triangle, qui à la différence de l'arbre n'est pas un objet concret, mais une figure, une forme inventée par l'homme. En fait, on ne peut véritablement se représenter l'idée générale d'un arbre ou d'un triangle, car l'idée générale est avant tout une définition, une catégorie intellectuelle qui n'a pas de forme. L'imagination et le discours sont affirmés comme étant les deux seuls moyens par lesquels s'exerce la pensée. Par discours, on entend l'usage des mots des propositions du langage. [...]
[...] Au-delà d'affirmer que l'idée générale advient grâce à la langue, Rousseau avance que la langue est le seul et unique moyen de parvenir à l'idée générale, il exclut de fait toute autre alternative. En effet, c'est par l'usage d'une négation restrictive qu'il souligne le caractère absolument nécessaire des mots. Il précise que l' entendement c'est-à- dire la compréhension des idées générales n'est possible que par l'énoncé de propositions Le terme de propositions trahit ici une exigence de structure, d'organisation : les mots doivent être associés entre eux, former une unité, une phrase porteuse de sens, ce afin de rendre possible l'entendement de l'idée. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture