L’évolution du rôle d’Autrui dans la constitution de l’individu avec la dialectique hégélienne du maître et de l’esclave (chapitre IV de la "Phénoménologie de l’esprit")

Résumé du document

L'idée selon laquelle nous ne serions rien sans les autres semble aujourd'hui acquise. En effet, que ce soit d'un point de vue économique (avec le passage des sociétés traditionnelles aux sociétés modernes) ou d'un point de vue social (avec l'influence qu'exerce autrui sur nos choix culturels), cette idée semble avoir chassé tout solipsisme (en tant que solitude principielle de la conscience). Par conséquent, dans une telle optique, autrui semble avoir un rôle bien particulier dans la constitution de l'individualité.

Si l'on part du principe que l'homme est conscience de soi en ce sens qu'il pense et se pense, il faut bien se rendre compte que cette conscience de soi n'est pas donnée d'office, qu'elle se constitue par un cheminement. C'est ce cheminement que nous allons étudier dans ce travail en nous intéressant plus précisément au rôle qu'Autrui exerce dedans, le tout dans le prisme de la dialectique hégélienne du maître de l'esclave, que l'on retrouve au chapitre IV de la Phénoménologie de l'esprit.

Extraits

[...] A. Philonenko, Vrin HEGEL, Friedrich. Phénoménologie de l'esprit. Gallimard, Folio essais MARQUET, Jean-François. Les figures du conflit dans la Phénoménologie de l'esprit de Hegel, in Les études philosophiques 2006/2 77). MARX, KARL. Manuscrits de 1844. GF, Flammarion Un principe selon lequel deux êtres réels différent toujours par des caractères intrinsèques. Il n'existe ni n'existera jamais deux individus rigoureusement semblables. [...]

[...] La question que nous pouvons alors nous poser est de savoir comment la dialectique du maître et de l'esclave nous fait passer d'Autrui au travail comme instrument constitutif de soi. Afin de répondre à cette question, nous découperons notre travail en trois moments, un premier où nous verrons comment Autrui a un rôle capital dans la constitution de soi, un deuxième où nous étudierons plus précisément le retournement dialectique opéré par Hegel, puis un troisième où nous verrons en quoi, finalement, c'est par le travail que nous accédons véritablement à l'individualité. [...]

[...] Nous voyons donc que la conscience se constitue à travers différents moments, et pas seulement par le biais du rôle d'autrui. Le travail est un désir, mais il comporte une inaccessibilité immédiate. C'est donc par le travail que le désir sera satisfait. Le rapport du travailleur à l'objet est dans un rapport de domination, car c'est le travailleur qui forme l'objet Hegel montre ici la supériorité du travailleur sur le maître par l'effet du travail. Le retournement dialectique s'explique par le fait que le travail libère l'esclave dans la mesure où il est formateur (en ce sens que lui seul permet d'accéder véritablement à la conscience de soi), puisqu'il correspond à une extériorisation de la conscience dans les choses. [...]

[...] On se rend donc compte que c'est par le travail que l'homme peut s'affirmer comme indépendant et accéder à l'individualité car le rapport de négation introduit par le travail entre l'homme et les choses permet à la conscience humaine de prendre conscience d'elle-même et d'introduire l'homme à son indépendance vis-à-vis du monde extérieur. C'est finalement dans un paradoxe que s'achève la dialectique hégélienne. En effet, et comme nous avons pu le voir, l'esclave affirme par le travail sa négativité sur les objets et s'élève au dessus du maître en établissant de manière stable et permanente son indépendance, sa conscience de soi, son individualité. [...]

[...] Il assume d'emblée la possibilité de mourir, ce qui le fait atteindre immédiatement l'essence, la liberté, la conscience de soi (ici, le terme immédiatement est très important quand nous savons que l'immédiateté n'est pas synonyme d'authenticité chez Hegel en général et dans la dialectique en particulier). De son côté, l'esclave doit obéir et se voit interdire la jouissance des biens qu'il crée par son travail. Il est pour l'Autre dans la mesure où il n'est que pour une autre conscience. Il est la conscience dépendante qui a pour essence la vie pour l'Autre. [...]