[...] La conclusion semble (à nouveau) manquer. Elle serait « (Donc) l'Amour tend vers la Justice »
Mais, si nous relisons le premier syllogisme ci-dessus, nous nous apercevons que la relation de la Justice et de l'Amour y est plus que suggérée : en effet, nous avons établi de manière démonstrative que La justice, charité réglée selon la sagesse, est de ce fait une bienveillance (certes réglée) universelle en fait, (parce que réglée, pour Leibniz, par le Droit), autrement dit une habitude d'Aimer universellement (c'est-à-dire sans arbitraire ni surestimation).
En effet, on résume souvent la pensée de Leibniz sur ce point par la formule « Justitia caritas sapienti », « la Justice est la charité du Sage » (...)
[...] Leibniz soutient que le bonheur (félicité) est comme un organon, ou une méthodologie, du plaisir, et que son rapport à ce dernier est, en quelque sorte, un rapport de moyen (« ce qu'il faut pour ») à fin (le plaisir est un des principaux « points » de la félicité, mais il faut se souvenir que tout ce qui existe consiste pour l'auteur en « points », soit physiques, soit mathématiques, soit métaphysiques (Monadologie)).
Sous cette forme, on pourrait être tenté de définir le plaisir lui-même comme une expérience -discontinue- des intensités « psycho-physiques » ou « psycho-physiologiques » d'un Fechner, père de la « psychologie quantitative », désavoué par Bergson mais inspirateur de Freud.
En conformité avec la définition kantienne de la sensation comme « ce qui ne peut être anticipé », Fechner donne corps à un « atome de plaisir » ou un « plaisir ponctuel » -qu'on pourra aussi bien, selon nécessité, traiter comme une différentielle ?dans le style d'un lointain successeur de Leibniz, Salomon Maïmon, lequel s'était risqué, à la suite de son illustre devancier, dans une des premières « mathématisations » du psychisme, marquant en particulier la continuité du conscient et de l'inconscient. (...)
[...] Preuve : La Justice est une charité réglée suivant la sagesse. La sagesse est la science de la félicité. La félicité est le fondement de la justice. Les termes en gras correspondent à ce que la logique classique appelle le moyen-terme, c'est-à-dire le terme, commun à deux propositions (où il peut occuper différentes places, sujet ou prédicat) qui sert à mettre en relation, dans la conclusion , ce qui est traité distinctement dans les prémisses. L'ensemble s'appelle, comme l'on sait, un syllogisme, ou raisonnement démonstratif. [...]
[...] Le plaisir est le sentiment de quelque perfection. Le plaisir est un des principaux points de la félicité. La félicité est un état durable de la possession de ce qu'il faut pour goûter du plaisir. Les autres phrases ou expressions du texte sont optatives il serait à souhaiter je ne trouve pas les livres de jurisprudence encore écrits comme il faut ou descriptives science de la félicité ; science des plaisirs ; ou encore, constituent des références contextuelles les livres de morale ; feu M.Lantin Il faut les écarter de l Analyse revendiquée, et déployée par Leibniz, de la même manière que l'on écarte rhétorique et stylistique d'un texte littéraire du genre argumentatif. [...]
[...] Revenons au texte : l'amour y étant défini, au sens large, comme charité, c'est-à-dire justice, est, comme son acception religieuse, réglé par la sagesse -c'est-à-dire la connaissance de ce que demande le plaisir, à savoir le rapport (accord, harmonie, ou, plus quantitativement, proportionnalité, et –synthétiquement- correspondance) des substances (ou des individus), rapport qui peut lui-même s'entendre, dans la philosophie de Leibniz, comme rapport des âmes (ou monades dominantes), ou tout aussi bien des corps (d'ailleurs, ou bien partie par partie –chaque organe constituant en lui-même un assemblage de monades distinctif) ou bien du tout au tout) c'est-à-dire comme plaisir partagé, et donc, last but not least, aussi bien comme rapport sexuel (n'en déplaise à Lacan si pressé d'affirmer ‘qu'il n'y en a pas Nous rencontrons d'ailleurs les mêmes distinctions chez Spinoza (Ethique III, p.11 sq) rapportant les mêmes affects à l'âme ou au corps, partie par partie s'il y a lieu, ménageant ainsi la notion d'un plaisir local (chez Freud, plaisir d'organe ou, si l'on y met la pulsion, plaisir partiel Ici, Leibniz fait plus qu'insinuer que l'amour est plaisir partagé, allant, au nom d'un amour qui n'est pourtant pas réputé réciproque, jusqu'à faire mentir Lacan, lequel affirme au contraire qu'il l'est (Séminaire XX) alors que le rapport sexuel n'est pas : il est, et il est spirituel sans qu'on puisse distinguer métaphysiquement le corps de l'esprit autrement que par cette dominance d'une monade parmi d'autres (l'âme) désormais transcendantalement accouplée (pour parler comme Husserl) à une autre dans et par une correspondance élective goethéenne avant la lettre (Les Affinités électives). Une dialectique plus serrée justement plus freudienne- se retrouvera dans la doctrine kantienne du mariage (in : Doctrine du Droit). [...]
[...] Mise en perspective philosophique et actualité du texte. Risquons une traduction libre du texte, déjà explicité ci-dessus indépendamment de sa forme logique stricte. Commentaire Leibniz soutient que le bonheur (félicité) est comme un organon, ou une méthodologie, du plaisir, et que son rapport à ce dernier est, en quelque sorte, un rapport de moyen ce qu'il faut pour à fin (le plaisir est un des principaux points de la félicité, mais il faut se souvenir que tout ce qui existe consiste pour l'auteur en points soit physiques, soit mathématiques, soit métaphysiques (Monadologie)). [...]
[...] Lecture rigoureuse du texte Il s'agit d'abord d'isoler dans ce texte les propositions philosophiques qui l'articulent, puis mettre en évidence le raisonnement qu'elles forment. Ce niveau d'explication ne constitue encore, ni une interprétation, ni un commentaire complet, mais seulement une paraphrase explicative. Nous relisons donc ainsi : La Justice est la charité réglée suivant la sagesse. La charité est une bienveillance universelle La bienveillance est une habitude d'aimer. Aimer est un sentiment qui fait trouver du plaisir dans ce qui convient à la félicité de l'objet aimé. La sagesse est la science de la félicité. [...]
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