Le texte que nous avons à expliquer pose la question de la nécessité de la présence d'un ami pour atteindre la connaissance de soi et du plaisir qui en découle, connaissance seulement possible selon Aristote à travers un autre que nous-mêmes à condition qu'il s'agisse d'un ami. Le texte s'ouvre sur une double affirmation : « Apprendre à se connaître est très difficile (…) et un très grand plaisir en même temps ». Ainsi, malgré la difficulté, et pour jouir du plaisir apporté par la connaissance de soi, il faut mettre en œuvre les processus d'apprentissage à se connaître.
La connaissance étant par étymologie l' « action d'apprendre », s'ouvre ici un double processus : apprendre à être en action d'apprendre. Action purement théorique et désintéressée, satisfaisant un pur désir de savoir sans souci de son utilité pratique, De plus, la connaissance serait couronnée par le plaisir, sentiment de satisfaction désintéressé, éprouvé en présence de la beauté et qui, selon Aristote, est le couronnement d'une action : c'est de surcroît qu'une action est accompagnée de plaisir.
[...] Nous pouvons décoder des comportements ou des attitudes à partir de ce qui nous est propre, de nos propres ressentis et filtres, mais nous ne pouvons à aucun moment réellement entrer dans le ressenti et la pensée de l'autre (étude menée sur les suicides par le sociologue Durckheim). Nous pouvons rassembler des informations sur autrui mais pas le connaître dans son intimité. Si la connaissance d'autrui ou plus précisément de mon ami m'est en partie fermée, il paraît difficile de se connaître à partir de lui. Il paraît néanmoins fondé, quoi qu'il en soit, que sans l'idée d'autrui, je ne pourrais pas formuler le moindre jugement sur moi-même. Nous pouvons nous référer pour cela à la période de la naissance d'un individu. [...]
[...] A ceux donc qui diront que celui qui veut se connaître soi-même doit fuir la compagnie des autres pour se retrouver face à soi-même, nous pourrons rétorquer que c'est autrui qui nous permet de réfléchir sur nous-mêmes car il permet de nous considérer comme un objet et non plus seulement comme un sujet. La présence d'autrui n'est donc peut-être pas indispensable mais l'idée de son existence est indispensable. [...]
[...] Pour atteindre la complétude (le connais- toi toi-même de Socrate, tâche philosophique par excellence si l'on en croit ce précurseur de la philosophie, la connaissance de soi permettant de connaître l'homme et l'univers dans lequel il évolue), l'homme aura besoin d'un ami ou alter ego sans lequel il ne pourra faire connaissance avec sa propre essence. Le texte d'Aristote s'intéresse à autrui en mettant en relief le besoin d'autrui pour apprendre à se connaître (nécessité de la présence d'un ami), la finalité étant la connaissance de soi. [...]
[...] Jusqu'à l'âge d'environ deux ans, l'enfant ne fait pas de différence entre lui-même et le monde qui l'environne. Il est le sein de sa mère qui lui donne à manger, il est les bras qui le prennent pour le consoler et le bercer, il est le bruit de la pièce, l'endroit où il baigne. Ce n'est que par éducation et enseignement qu'il va apprendre à se distinguer de l'autre et appréhender l'idée du je ipse ; c'est seulement à partir de là qu'il va se sentir séparé, différent, à part, et qu'il pourra commencer à se construire une conscience du soi et une individualité, tout d'abord faussée par les images complaisantes (ou non) que lui renvoient ses proches, images qu'il soumettra à sa propre expérience lorsqu'il sera confronté à des milieux sociaux plus vastes. [...]
[...] Là aussi nous pouvons y voir une piste pour apprendre à se connaître puisque si nous ne pouvons déterminer ce que nous sommes, nous pouvons tout au moins déterminer ce que nous ne sommes pas. La notion d'amitié peut impliquer également le fait d'avoir gommé tout jugement sur l'autre. Un ami ne juge pas. Il nous regarde et nous accepte tels que nous sommes et de ce fait, dans son regard, je peux devenir l'objet que je désire contempler et connaître, étant donné que l'on tient pour vraie l'affirmation d'Aristote qu' un ami est un autre soi-même Encore faut-il dans ce cas que notre ami touche à la perfection de Dieu lui- même car ne pas juger n'est pas une qualité inhérente à l'homme, tout ami soit-il. [...]
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