L'Espace Proustien, Temps retrouvé - George Poulet (1982) - De quelle façon passe-t-on d'un savoir lacunaire et dispersé de la guerre à une vision qui permet d'en avoir une idée globale ?

Thèmes abordés

1982, Littérature, Proust, roman, Espace Proustien, Temps retrouvé, George Poulet, savoir, guerre, conflit, narrateur, discours rapporté, relation épistolaire, transformation sociale, Paris, rumeur, information, médiation, témoignage, Robert de Saint-Loup, bal de têtes, Hamlet, théâtre, langue allemande, héros, ironie, exagération

Résumé du document

Le passage étudié se situe dans la première partie du Temps retrouvé, celle qui traite de la guerre. Il se caractérise par une particulière complexité temporelle qui témoigne de la puissance de transformation de la guerre agissant sur les comportements, les paysages, les impressions et même la langue.
Trois moments bien distincts opèrent comme un progressif rapprochement de la guerre (...)

Extraits

[...] Notre commentaire étudiera la façon dont on passe d'un savoir lacunaire et dispersé de la guerre à une vision qui permet, par la littérature, d'en avoir une idée globale. Il examinera la façon dont le narrateur s'approprie progressivement le discours sur la guerre en reconnaissant sa puissance de métamorphose en organisant la réflexion en trois étapes : Discours rapportés sur la guerre Les relations épistolaires Le témoignage direct Des diverses façons d'évoquer le conflit La guerre comme puissance de transformation Transformation des coordonnées spatio-temporelles Transformation sociale Transformation de la langue Héroïsation, transfiguration et vision A. [...]

[...] « Il n'avait pas non plus le droit de me citer de noms de généraux », « par le peu que me disait le journal » : ce « peu », ce trop peu du discours rapporté (journalistique et épistolaire) qui n'offre qu'un savoir incomplet, est compensé par une nouvelle visite de Robert de Saint-Loup, qui intervient de façon tout à fait symétrique à la première, au moment cette fois du second retour à Paris du narrateur (alors que la première était intervenue juste après le premier retour). L'approbation, ici, est marquée de diverses manières : « Et en effet » (p. 64) ; p le narrateur se dit impressionné par la vision de Robert alors même qu'« il ne m'avait dit que de simples paroles ». « Je dis avec humilité à Robert . [...]

[...] 60). Illustre le devenir des lieux et des êtres, pris dans un mouvement incessant de transformation que la littérature a pour charge de donner à voir. La défamiliarisation : cf. p : « la guerre [ . ] pourrait être racontée comme un roman » : nécessité de peindre la réalité par l'autre sens. Pas de causalité. Impression, sensorialité dont on doit rendre compte pour comprendre la vérité des faits. Superpositions de références. [...]

[...] Le jeune garçon boucher peut ainsi devenir une figure allégorique de la guerre (« le jeune homme timide et sanglant » (p. avec la comparaison implicite de la guerre comme grande boucherie), et les permissionnaires (« tous les permissionnaires ») devenir une nouvelle classe de la société (par-delà les différences de conditions). La lettre de Saint-Loup, p. 60-61, donne une évocation lyrique d'un nouvel ordre de la société fondée sur la conduite au front et sur l'égalité dans le chagrin plus que sur les anciennes distinctions. [...]

[...] ] restait intelligent et artiste, et notait avec goût pour moi des paysages, pendant qu'il était immobilisé à la lisière d'une forêt marécageuse . » (p. 61) : l'italique peut dès lors avoir une fonction de soulignement, conformément à une de ses fonctions typographiques, par lesquelles le narrateur adhère peu à peu à certaines parties de ce savoir rapporté. Le témoignage direct Conformément au mouvement du passage qui rapproche progressivement l'information et le savoir sur la guerre, on passe, au cours de l'épisode, d'un discours rapporté à un discours direct. [...]