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L'auteur s'adresse de façon assez irrévérencieuse au lecteur, puisqu'il le traite de "fou", adjectif qui est entre guillemets, et qui signifie non pas que le lecteur est un malade mental, mais qu'il n'a pas beaucoup réfléchi car il subordonne la liberté à la satisfaction de ses désirs. Quand nous disons à quelqu'un "mais tu es complètement fou", nous dénonçons son manque de réalisme, de lucidité. Mais pour que le lecteur ne se sente pas attaqué directement, Epictète fait semblant de dialoguer avec "un" fou : à charge pour nous ne pas être ce fou ! Voilà le défi qui nous est proposé.
Le "fou" donc, doit avoir honte d'une philosophie de vie très superficielle qui l'amène à se laisser tyranniser par ses moindres désirs ("la folie", "il n'y a rien de plus absurde", "désirs téméraires", "le caprice"). Epictète ne considère pas que tous les désirs nuisent à la liberté, mais qu'un certain nombre d'entre eux défient les règles de la bonne conduite sociale ou bien les lois de la nature. C'est que nous désirons rarement ce qui est à notre portée, mais ce qui est au-delà d'une limite interdite. La réalité est cependant bel et bien présente, et il serait immature de notre part de considérer que c'est elle qui doit se plier à nos désirs plutôt que l'inverse. La réalité ne peut pas être à l'image de notre "fantaisie" même si nous croyons qu'elle n'en serait que plus agréable. Ainsi l'aventurière Alexandra David-Néel écrivait régulièrement à son mari, que d'une part, elle était enthousiaste en traversant des contrées enneigées, titanesques, jamais explorées par aucun occidental avant elle, mais elle insiste aussi sur le prix à payer : défigurée par les vents glacés, affamée, seule, devant se méfier sans cesse pour ne pas être tuée, ou ne pas tomber dans une crevasse, devant sans cesse faire des efforts pour comprendre la langue des autochtones, vivre aussi dans la nostalgie du temps ou dans sa belle robe de cantatrice, elle était applaudie par des milliers de mélomanes (...)
[...] La liberté est une chose non seulement très belle mais très raisonnable, et il n'y a rien de plus absurde ni de plus déraisonnable que de former des désirs téméraires et de vouloir que les choses arrivent comme nous les avons pensées. Quand j'ai le nom de DION à écrire, il faut que je l'écrive, non pas comme je veux, mais tel qu'il est sans y changer une seule lettre. Il en est de même dans tous les arts et dans toutes les sciences. Et tu veux que sur la plus grande, la plus importante de toutes les choses, je veux dire la liberté, on voie régner le caprice et la fantaisie ! [...]
[...] Si nous avions la folie de passer outre les lois de la nature, outre les conventions sociales, alors nous risquons de ne jamais pouvoir franchir le fleuve ou ne jamais pouvoir empêcher une guerre. Ce qui est vrai dans tous les arts et dans toutes les sciences» l'est à tous les niveaux de l'existence humaine. La liberté consiste à bien connaître les relations entre nous et la réalité qui nous entoure: si des obstacles peuvent être renversés selon des moyens rationnels, alors il convient de développer des sciences et des techniques propres à pouvoir satisfaire nos désirs. En s'assurant bien sûr que ces moyens rationnels ne sont pas en opposition avec la morale. [...]
[...] Le donc, doit avoir honte d'une philosophie de vie très superficielle qui l'amène à se laisser tyranniser par ses moindres désirs la folie il n'y a rien de plus absurde désirs téméraires le caprice Épictète ne considère pas que tous les désirs nuisent à la liberté, mais qu'un certain nombre d'entre eux défient les règles de la bonne conduite sociale ou bien les lois de la nature. C'est que nous désirons rarement ce qui est à notre portée, mais ce qui est au- delà d'une limite interdite. La réalité est cependant bel et bien présente, et il serait immature de notre part de considérer que c'est elle qui doit se plier à nos désirs plutôt que l'inverse. La réalité ne peut pas être à l'image de notre fantaisie même si nous croyons qu'elle n'en serait que plus agréable. [...]
[...] La souffrance fait partie des lois de la nature. Un jour, une institutrice américaine se rendit chez la famille Keller qui avait une petite fille de 2 ans, Hellen, sourde, aveugle et muette. C'était à la fin du XlXème siècle. Elle fut révoltée par le fait que les parents, mortifiés et culpabilisés d'avoir mis au monde cet être privé de perspective d'avenir, surprotégeait Hellen, ne lui opposait jamais aucune résistance alors que ses crises de nerf étaient fréquentes et violentes. [...]
[...] Lorsque des aveugles partent trois semaines en mer sur un voilier et apprennent à le manœuvrer, ils sont ce qu'Épictète nomme des fous et pourtant s'ils préparent bien à cette expérience, s'ils sont aidés par un personnel qualifié, ils peuvent relever cet exploit, ce qui ne signifie pas qu'ils ont la témérité de croire que leurs yeux verront à nouveau. La liberté, c'est peut-être de faire en sorte que sa vie ne soit pas une répétition quotidienne des mêmes gestes et des mêmes activités. Un aveugle a un espace d'action parfois limité, mais il désire l'élargir, comme chacun de nous. Il prend des risques considérables, mais l'homme ne peut pas accepter de ne rien changer à sa vie. En outre Épictète semble suggérer que nous devrions vouloir les choses qui arrivent Peut-on vouloir une maladie ? [...]
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