Que l'article premier de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948, "tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits" soit, un demi siècle après son adoption, quotidiennement démenti par les faits est une triste réalité : SDF et sans-papiers, femmes vouées à la soumission dans certains pays ou peuples miséreux du Tiers Monde, les exemples abondent à opposer à l'idéal d'universalité dont se réclame le modèle occidental. De sorte que, s'il a le pouvoir de s'imposer dans les instances internationales qu'il contrôle, ce dernier doit souvent faire face à la contestation de minorités qui, en refusant d'adhérer à ses valeurs portent, sur le plan idéologique du moins, un sérieux préjudice à sa prédominance: les droits de l'homme constituent-ils, en somme, une évidence ou un problème ? Le principe moral régisseur de nos sociétés modernes, et qui aspire à prendre en charge la "grande famille de l'humanité" trouve-t-il sa légitimité dans la nature, s'imposant par là à l'esprit en certitude absolue, ou définissant au contraire une difficulté d'ordre spéculatif, prête-t-il à discussion ?
A quoi renvoie, tout d'abord, le concept de droits de l'homme ? Son origine historique, et l'esprit dans lequel il a été élaboré, doivent mettre en lumière dans un premier temps la vocation à l'universalité que lui confère sa seule définition. Toute entière du côté de la réflexion théorique cependant, celle-ci trouve-t-elle une application aussi inconditionnelle dans les faits? La réalité des sociétés humaines n'impose-t-elle pas des limites à cette vision trop européocentriste, annihilant toute croyance en une nature humaine? Quel avenir envisager alors, par-delà les difficultés, pour ces droits relevant d'une histoire universelle?
L'enjeu de notre question est de taille: dans le processus de la constitution d'un vaste "village planétaire", c'est l'ensemble de nos relations à autrui qui se trouve remise en cause; mais, avec lui se pose aussi le problème des relations de pouvoir, à l'heure où un nombre croissant d'instances supra-nationales tentent de redéfinir, à l'échelle cette fois de l'humanité, un nouveau contrat social.
[...] De sorte que si l'évidence est de droit, l'Histoire démontre que le problème que suggère notre sujet est bel et bien de fait. Si l'on a accepté, dès la Renaissance, l'existence d'une nature humaine telle une évidence, comment se fait-il qu'il y ait des êtres à qui, à l'instar des barbares de la cité grecque, des Noirs de la traite aux esclaves du XVII° siècle ou encore des Juifs de l'Allemagne nazie, on a refusé, pendant si longtemps et avec tant de conviction, le statut d'homme? [...]
[...] Dans cette acception, le droit se confond alors avec la faculté qu'a chacun de lutter pour sa survie; mais c'est ce même instinct de conservation qui, éclairé par la raison, enseignera à l'homme l'utilité des actes bienveillants et l'inconvénient des actes hostiles, en montrant de surcroît la nécessité, pour chacun, de sacrifier sa liberté naturelle afin que cesse "la guerre de tous contre tous". Avec Hobbes en somme, le droit devient un attribut de l'individu, pensé comme conscience de soi autonome et primant sur toute superstructure artificielle et donc secondaire de l'étatique et du culturel. Relevant d'une déclaration et non d'une institution, les droits de l'homme, imprescriptibles et inaliénables, incarnent ainsi un droit susceptible de se laisser représenter comme extérieur à l'Etat en lequel ils ne trouvent pas leur source mais qui ne fait que les authentifier. [...]
[...] Les droits de l'homme : évidence ou problème ? Que l'article premier de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948, "tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits" soit, un demi siècle après son adoption, quotidiennement démenti par les faits est une triste réalité : SDF et sans- papiers, femmes vouées à la soumission dans certains pays ou peuples miséreux du Tiers Monde, les exemples abondent à opposer à l'idéal d'universalité dont se réclame le modèle occidental. [...]
[...] Quel sens en effet, demandait-il aux bien-pensants bourgeois, peut bien avoir le droit à la sûreté et à la propriété quand on ne possède rien et que l'égalité n'est que formelle? Peut-on s'en arrêter là cependant ? Faut-il devant la difficulté, renoncer à l'idéal égalitaire et légitimer la loi du plus fort comme seule réalité tangible? Notre nature d'êtres moraux, pour peu que nous en ayons une, se révolte à cette idée: d'où la nécessité peut-être de déplacer notre problème pour nous interroger, non plus sur l'origine des droits de l'homme, mais bien plutôt sur leur finalité. La légitimité n'est plus de nature, elle puise sa source dans l'exigence morale. [...]
[...] On comprend très vite que, si l'on s'en tient à une définition de la tolérance comme l'acceptation inconditionnelle des différences, on aboutit à une aporie. S'inscrivant dans l'ordre moral, la tolérance est tout entière ancrée dans l'exigence éthique du respect de la personne humaine, elle se veut, avec les droits de l'homme, du côté de la raison et de l'universalité. Droits de l'homme et tolérance n'entrent plus alors en contradiction, les premiers ne visant qu'à institutionnaliser les principes de la seconde. [...]
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