Le complexe techno-scientifique et économico-industriel vise aujourd'hui à accroître l'autoproduction de l'humain. L'homme ne se trouvant plus dépendant que de lui-même, il bascule dans le nihilisme. C'est la mort de Dieu nietzschéenne, la fuite des dieux hölderlinienne, le délaissement heideggerien. Mais ce n'est pas là pour autant le non-être du divin, seulement l'absence privative de celui-ci. Le divin n'est plus présent comme dans la métaphysique, il nous revient cette fois affecté d'absence, sombre et menaçant.
Notre monde souffre ainsi d'un manque d'intégralité, mais il porte en lui la potentialité d'un monde qui soit le plus ample. Il est donc de notre devoir de tenter d'instaurer un tel monde. Le poète est le premier à être exposé aux éclairs des dieux, qu'il capte dans son dire authentique et qui contient dès lors les orientations essentielles de ce monde. C'est à lui de les transmettre ensuite au peuple. Il est témoin au plus haut point, car le premier il dénonce et révèle, mais aussi, dans la matérialité de son dire, conserve et abrite l'Estre.
De même, dans l'histoire, les civilisations ont toujours été instituées par les poètes, le grand archétype en étant Homère. C'est donc la tâche du poète que d'instaurer un monde qui soit plus ample. La poésie, cette puissance capable d'instituer un monde, peut et doit jouer un rôle essentiel à notre époque du nihilisme ; et c'est peut-être elle seule qui sera à même de surmonter le nihilisme.
Quel sera donc le poète capable d'instituer une nouvelle civilisation au sein même de notre époque du nihilisme ? C'est Hölderlin, car il est le poète du poète et de la poésie. En effet, quel meilleur guide qu'Hölderlin, lui qui a expressément pensé, à l'aube du nihilisme, dans ses poèmes, l'essence propre de la poésie ? Lors de sa conférence de Rome, Heidegger choisit plusieurs paroles directives d'Hölderlin pour conduire sa méditation sur le matériau du poète qu'est le langage.
[...] Le temps du dialogue sera donc à la fois le temps du monde et le temps des dieux La simultanéité du dialogue, du monde et des dieux Depuis que nous sommes un dialogue Et que nous pouvons ouïr les uns des autres Dans l'Antigone de Sophocle, on peut entendre un des chants du choeur où il est question de l'homme comme l'être le plus inquiétant. C'est que l'homme est cet être qui ne reste pas à un seul et même endroit qui lui serait dévolu comme séjour, mais il quitte la Återre et s'avance dans la mer. L'homme sait créer un enclos pour son séjour et le consolider par une législation. [...]
[...] Nommer des dieux, c'est les faire parvenir à leur rang et les rendre manifestes en celui-ci. C'est l'enjeu théologique du dialogue. Mais il y a également, comme on l'a vu, un enjeu cosmologoco ontologico universel. Le dialogue a donc pour enjeu d'être ontologico théologique dans un sens postmétaphysique. Il atteint ainsi sa portée la plus ample possible où il devient extatique: Importante que soit la part que nous y jouions, le dialogue ne relève de loin pas que de nous-mêmes: le fait que le divin entre en jeu dans le dialogue, le montre. [...]
[...] Selon une de ces pensées directives d'Hölderlin, le langage est le plus dangereux des biens donnés à l'homme. Cela nous amène à nous poser trois questions: - Qui est l'homme ? - En quoi le langage est-il un danger ? - En quoi le langage est-il un bien ? Qui est l'homme ? L'homme est celui qui témoigne de son être et de son appartenance à la terre. Qu'est-ce que la terre ? La terre est d'abord comprise dans le cadre de l'histoire. [...]
[...] Le dialogue relève donc de l'Estre. IV Retour sur le temps du dialogue Cependant, un tel dialogue est loin d'avoir lieu perpétuellement. Heidegger reste attentif à la parole d'Hölderlin: depuis que nous sommes un dialogue Cela laisse entendre que c'est à certains instants heureux précis que nous sommes un dialogue. Entre donc en jeu la dimension du temps, et a fortiori celle du temps du dialogue. Ce temps sera à l'opposé de la conception traditionnelle métaphysique du temps conçu comme la suite dès maintenant fugitif. [...]
[...] Quelque chose devra se révéler dans son unité propre, en dehors de la mouvance. Cela n'est possible que si le juste mot advient. Si tel n'est pas le cas, la chose, bien qu'une restera cachée dans l'unité sienne. C'est donc par la recherche du mot essentiel que nous sommes orientés sur la seule et même chose, et que notre discours se trouve déterminé par une unité foncière Être dans le dialogue Que veut dire maintenant le fait d'être dans le dialogue ? [...]
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