D'un côté, le cartésianisme présente la liberté comme un pouvoir absolu, s'exerçant gratuitement ; mais d'un autre côté, il doit montrer dans une liberté s'exerçant conformément à la raison le plus haut degré de liberté, parce qu'une liberté qui se détermine sans raison serait une liberté absurde.
Aussi donne-t-il deux définitions à l'indifférence ou liberté d'indifférence. L'objectif de Descartes est de montrer au Père Mesland qu'il n'y a pas contradiction entre ces deux conceptions de la liberté, et que le moyen terme et, en même temps, la justification de ces deux définitions réside dans une conception positive de l'indifférence.
(...) l'indifférence me semble signifier proprement cet état dans lequel la volonté se trouve, lorsqu'elle n'est point portée, par la connaissance du vrai et du bien, à suivre un parti plutôt qu'un autre ; et c'est en ce sens que je l'ai prise, quand j'ai écrit que le plus bas degré de la liberté consistait à nous déterminer aux choses auxquelles nous sommes indifférents.
Descartes commence par la définition de l'indifférence. Elle est objectivement ou subjectivement neutralité. Et si elle peut entraîner l'irrésolution c'est par ignorance du vrai et du bien. Cette liberté se fonde donc sur cette ignorance.
Ce sentiment indéfectible d'être libre nous le devons ainsi à une disproportion patente entre notre faculté d'élire et notre faculté de juger, entre notre volonté et notre entendement. C'est ainsi en effet que Descartes aborde la question de l'erreur dans la quatrième Méditation métaphysique.
(...) La question est d'importance car, comme on le sent bien, il s'agit ici du problème non pas seulement théorique de l'erreur, mais aussi et sans doute surtout pratique du mal. En effet comme Descartes met sur le même plan la distinction morale du Bien et du Mal et la distinction logique du vrai et du faux, il lui revient de développer une conception intellectualiste de la morale selon laquelle la faute a pour cause l'ignorance. Cette thèse est socratique. Socrate soutenait en effet que nul ne fait le mal volontairement (...)
[...] C'est, semble-t-il, contre l'irrésolution excessive que Descartes définit la liberté par la plus grande facilité à se laisser déterminer par plus de raisons. Il faut agir; oui, mais quel parti prendre? Est-il si facile de se décider? Cet état dans lequel on se trouve lorsqu'on ne sait quel parti choisir a un nom, il se nomme indifférence INDIFFÉRENT, ENTE (Le Littré en ligne) 1°Qui ne présente en soi pas de différence, et, par conséquent, pas de cause de détermination ou de préférence, en parlant des choses. [...]
[...] Je définis la cour un pays où les gens, Tristes, gais, prêts à tout, à tout indifférents. Sont ce qu'il plaît au maître, LA FONT. Fabl. VIII Pleure, tonne, gémis, j'y suis indifférente, VOLT. Oreste. II Qui n'est touché de rien. Anaxarque, son maître [de Pyrrhon], étant tombé dans un fossé, il [Pyrrhon] passa outre sans daigner lui tendre la main ; loin qu'Anaxarque lui en sût mauvais gré, il loua son disciple de cet esprit indifférent et qui n'aimait rien, ROLLIN, Hist. anc. [...]
[...] 4°Visage indifférent, tournure indifférente, visage, tournure qui ne se fait remarquer par rien. 5°Qui n'a pas plus de penchant d'un côté que d'un autre, qui ne fait pas de différence en parlant des personnes. Il demeura indifférent au milieu des partis. Terme de philosophie. La matière est d'elle-même indifférente au repos et au mouvement, elle n'a d'elle-même ni l'une ni l'autre de ces qualités, et elle est également susceptible de l'une ou de l'autre. Autrement [c'est-à-dire si tout ne dépendait pas de Dieu], il n'aurait pas été tout à fait indifférent à créer les choses qu'il a créées, DESC. [...]
[...] XI Actions indifférentes, les actions qui, d'elles-mêmes, ne sont ni bonnes ni mauvaises. 2°Qui touche peu, dont on se soucie peu. Tout m'est indifférent, VOLT. Scyth. II Il se dit des personnes, en un sens analogue. Cette femme lui est indifférente. Cet homme-là m'est indifférent. 3°Qui est de peu d'importance, de conséquence. [...]
[...] Et nous le ferions non parce que nous sommes irrésolus, mais pour seulement manifester ainsi notre absolue liberté, qui est alors appelé par Descartes libre arbitre, liberté non pas radicalement indépendante de tout motif, et en cela sans doute esclave d'un quelconque mobile, mais liberté qui peut toujours se déterminer contre ce que la raison lui indique clairement et distinctement qu'il faut faire. Mais là non plus Descartes ne saurait en rester à cette affirmation du libre arbitre comme absolument indépendante à l'égard de tout motif rationnel. Peut-on en effet en rester à une définition de la liberté qui ne s'établit jamais aussi bien que dans le pouvoir de prendre le contre pied de ce que la raison nous indique? Est-ce vraiment liberté que de choisir le mal là où nous connaissons le bien? [...]
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