Du corps d'un athlète, on dit volontiers qu'il est une belle machine. Au-delà de la comparaison banale, l'expression est-elle fondée ? Peut-on légitimement comprendre l'être organisé qu'est un corps comme une machine? Si la similitude a été affirmée par Descartes dans sa théorie des animaux-machines, Kant en effectue dans ce texte une critique radicale, en analysant le fonctionnement d'un mécanisme simple: la montre. Il apparaît que lui font défaut un certain nombre de propriétés caractérisant l'organisme. La conclusion s'impose dès lors: il existe dans le corps organisé une « force formatrice » qui n'est pas réductible à la seule « force motrice » dont bénéficie le mécanisme.
[...] La théorie des animaux-machines ne tient à peu près aucun compte de cette exigence: si les corps animaux ne sont que des machines, on peut se demander à quoi de telles machines peuvent bien servir. On pourrait peut- être admettre que le cheval ou le bœuf sont utiles au cavalier ou à l'agriculteur. Où alors que les animaux comestibles sont utiles pour la nourriture (un peu comme Bernardin de Saint-Pierre affirmait que le melon a des côtes pour être découpé en famille), mais on voit mal quelle pourrait être la finalité extrinsèque» du pou ou de la puce . [...]
[...] Pour réparer une machine en panne, on en remplace un élément, de façon à restaurer son mouvement. Par contre, le corps organisé paraît soumis à une usure qui n'est pas indéfiniment compensable. En d'autres termes, il est victime du temps d'une façon spécifique. La machine est indifférente au temps: lorsqu'on renonce à l'utiliser, c'est parce qu'elle est remplacée par une autre, plus performante. Mais le corps organisé s'use et vieillit de manière interne: la force formatrice» paraît progressivement perdre de son efficacité. [...]
[...] Pour Descartes, le corps animal, qui n'est que pure étendue puisque, contrairement à l'homme, il est sans pensée, est interprétable en termes mathématiques: son étude relève donc de la seule mécanique. L'animal est dès lors compris comme le strict équivalent d'une machine, dans laquelle rouages et pistons sont remplacés par des nerfs et des muscles. Cette conception s'inscrit sur un fond métaphysique: c'est évidemment Dieu - artisan suprême - qui a ainsi construit» les animaux. Du point de vue kantien, un tel mécanisme est inacceptable. Et c'est ce que démontrent notamment les insuffisances de la machine relativement aux êtres organisés. [B. [...]
[...] Cette forme est aussi bien celle de chaque partie de la machine que celle de la machine comme ensemble de parties. Kant retrouve ici, mais à propos de la machine, ce qu'avait analysé Aristote à propos du travail artisanal: il y a bien, dans la fabrication d'un meuble (ou d'une machine), considération de sa fin faute de quoi l'art du menuisier se réduirait au maniement de ses outils. La finalité, au sens utilitaire, est à l'œuvre dans la conception et dans la fabrication du mécanisme. [...]
[...] Ce n'est pas un ingénieur qui a défini l'utilité des racines pour le végétal. Du moins, pas un ingénieur du même genre que celui qui conçoit une machine, et Kant ne pose pas ici la question de l'origine première du corps organisé (même si l'on peut supposer que, pour lui, il s'agit toujours de Dieu). [III - Si la machine a une fin, quelle peut être celle du corps organisé [A. La finalité extrinsèque de la machine] La montre est conçue pour indiquer l'heure, donc à destination d'une personne qui lui est extérieure. [...]
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