Dans cet extrait du Contrat social, Rousseau pose la question de savoir s'il est possible de bâtir la société civile sur des fondements religieux, et si oui, quelle est exactement leur nature. Il va en fait établir dans cet extrait la thèse selon laquelle toutes les religions historiques sont fondamentalement contraires au principe politique : même la religion naturelle, c'est-à-dire le christianisme de l'Evangile, si elle est louable du point de vue moral, doit être condamnée politiquement en tant qu'elle ne peut que corrompre l'esprit social.
Dans un premier temps, Rousseau distingue les trois sortes de religion existant : le droit divin naturel, le droit divin civil positif et enfin la religion du prêtre. Dans une seconde partie, après avoir présenté ces catégories, il cherche à établir la valeur politique de la religion du droit divin civil et de la religion du prêtre concernant leur rapport avec l'unité sociale. Il montre alors que ces deux types de religion ne peuvent être tolérées en tant qu'elles sont mauvaises d'un point de vue politique et ne permettent pas d'assurer la stabilité du contrat social. Enfin, dans une troisième, après avoir montré que les deux formes précédentes de religion n'étaient pas adaptées à la société, Rousseau va se demander si la dernière forme, la religion naturelle, l'est quant à elle. On pourrait penser que les précédentes ayant été écartées, celle-ci devrait effectivement être privilégiée, mais Rousseau va en réalité montrer que le christianisme de l'Evangile est également inadapté, voire fondamentalement opposé au politique, en tant que ses fondements idéologiques contredisent le principe politique et social qu'est l'intérêt. Finalement, il apparaît que les trois formes de religions historiques ne sont pas adaptées à la société qu'entend fonder Rousseau : la religion civile ne peut que revêtir une forme nouvelle.
[...] Elle se fonde sur leur imperfection née du passage à l'état de culture, sur leur intérêt mutuel à s'unir dans la société pour se protéger les uns les autres des vices propres à l'homme. Un vrai chrétien qui prétend s'abstraire de ces vices ne peut participer à la préservation de la société car celle-ci ne présente plus aucun intérêt pour lui. Il cherche son salut dans l'aspiration au Ciel, et non dans la vie ici-bas. Allant plus loin, Rousseau détaille les raisons qu'on pourrait lui opposer pour dire que la religion naturelle serait la base de la société la plus parfaite. [...]
[...] Rousseau, conscient d'énoncer ici une thèse des plus provocatrices pour son époque, qui considère que la foi véritable doit être la quête de chacun en tant qu'elle mènera à « la société la plus parfaite de tous », en un mot que la religion la plus pure est la clé de la paix et de l'harmonie sociale. L'auteur du Contrat social répond à cet argument, ce qui lui permet d'approfondir sa critique. Si la religion naturelle est bénéfique dans les faits à la société, c'est qu'elle n'est pas basée sur une foi véritable. [...]
[...] Dans les faits, c'est effectivement ce qui est visé par Rousseau quand il prétend instaurer la société civile. Mais s'il reconnaît cette valeur, il met toutefois en garde le lecteur en lui enjoignant de ne pas se contenter des apparences mais de chercher à examiner plus en profondeur cette forme de la religion. Ainsi, il affirme que « le christianisme est une chose toute spirituelle ». De ce fait, on peut se demander par exemple pourquoi les soldats chrétiens mépriseraient la mort. [...]
[...] Le vocabulaire relativement péjoratif qu'il emploie dès le début du texte montre toutefois d'emblée qu'aucune d'entre elle ne correspond à son idéal de religion civile. La deuxième partie du texte va être l'occasion pour lui de confirmer cette hypothèse en montrant quels sont leurs défauts au regard de la politique. Dans une deuxième partie, (lignes 12 à après avoir défini les trois types de religions telles qu'il les conçoit, Rousseau annonce qu'il va désormais établir leur valeur politique, et précise d'emblée qu'elles ont toutes des défauts qui les empêchent d'espérer pouvoir fonder la société civile. [...]
[...] On comprend dès lors pourquoi il est impossible que la religion du citoyen fonde la société civile. Rousseau affirme que la société est créée pour sortir les individus de l'état de nature par intérêt, pour éviter la guerre et assurer leur propre sûreté. De fait, une religion qui réintroduirait la violence et le conflit au sein de la société ne peut être permise. On pourrait alors penser que puisque la religion du prêtre et celle du citoyen ne conviennent pas politiquement à la société civile, la troisième forme de religion, la religion naturelle, devrait quant à elle être privilégiée. [...]
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