Il s'agit d'un commentaire du texte Théétète, 189e4-190d2 dans lequel Platon exige la définition de l'erreur comme opinion portant sur autre chose.
[...] Or il appert immédiatement que pour Socrate, non seulement une telle entreprise de persuasion serait vaine, mais qu'elle tout simplement impossible dans l'intériorité de l'âme (« examine si tu as jamais entrepris de te persuader toi-même, l. 12-13, « quelqu'un d'autre [ ] ait osé se dire [ ] en s'efforçant de s'en persuader », l. 16). Le principe qui rend raison de cette impossibilité, que nous pourrions dire d'une sophistique intérieure à l'âme, même s'il n'est pas explicitement nommé par Socrate, se déduit facilement de propositions aussi aberrantes que « les impairs sont pairs » (l. [...]
[...] La facilité avec laquelle Théétète, reprenant les mots mêmes de Socrate, « laisse passer » (l. 23) l'argument, jointe au soupçon que fait peser sur l'aptitude à la dialectique du jeune homme la passivité avec laquelle celui-ci a accepté les conclusions des deux précédents moments du raisonnements, ne peut que nous inciter à nous interroger sur les limites de la démonstration. Celle-ci ne pourrait d'ailleurs valoir que pour démontrer l'impossibilité de toute opinion qui pourrait être énoncée sous la forme « Y est x », où non seulement l'opinion que se fait de x est incompatible avec celle que l'on se fait de mais où le contenu, dans l'opinion, de coïncide exactement avec celui de non-x : en d'autres termes, le laid, pour l'opinion, ce n'est ni plus ni moins que ce qui n'est pas beau. [...]
[...] Or la procédure par laquelle l'âme « tranche », c'est-à-dire, entre autres choses, délimite ce contour, n'est jamais caractérisée dans l'argument de Socrate, si bien que l'assimilation implicite de la capacité de discrimination de l'opinion à un pouvoir de l'âme, par l'opinion, d'énoncer de façon suffisamment exhaustive ce par quoi la chose X dont elle une opinion se distingue de toutes les autres choses Y dont elle a également une opinion, apparaît comme une pétition de principe. Il semble ainsi que cette pétition soit une brèche dans laquelle Théétète aurait pu s'engouffrer avant que de se rallier à la démonstration de Socrate. La formule par laquelle Socrate conclut d'abord son argument et que Théétète reprend à son compte, suggère, enfin, que c'est à propos de « autre » (l. [...]
[...] Nous sommes, dès lors, fondés à nous demander si le « penser » dont il est ici question peut être assimilé au dianoeisthai introduit dans la République, VI, au détour de l'image de la « ligne sectionnée » (511d). La dianoia associée à ce dernier désigne, en effet, le mode de pensée discursif auquel ont recours les mathématiciens et les géomètres lorsqu'ils enchaînent rigoureusement des hypothèses pour parvenir à une conclusion. La dianioia des géomètres portant, par surcroît, sur des abstractions des objets sensibles et non pas sur ces objets eux -mêmes (ce qui la rattache, de fait, au segment principal de l'intelligible), il semble bien que celle-ci présente les mêmes caractéristiques d'autonomie que la dianoia dont il est question dans le Théétète. [...]
[...] Socrate semble d'abord dire que puisqu'il faut, pour opiner, se parler à soi-même, alors pour opiner qu'une chose Y n'est pas Y mais en fait une autre chose il faudrait logiquement se dire à soi-même que Y est X. Les exemples que Socrate emprunte ensuite au domaine esthétique (« le beau est laid », l. 11612) et au domaine moral (« l'injuste, juste », l. pour aider Théétète à comprendre son argument, nous suggèrent toutefois une version légèrement différente de l'allodoxia. Ce qui conduit à se dire à soi-même, en effet, que « le beau est laid » (l. [...]
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