Dans cet extrait de « Gorgias », Socrate essaie d'obtenir la reconnaissance par son interlocuteur, Calliclès, d'une scission entre deux types d'activités humaines, celles qui sont tournées vers le plaisir, auxquelles il prête une dimension étroite, et celles qui sont dirigées vers le Bien, à la fois comme un état vécu par l'être humain mais comme enjeu de connaissance en soi. L'enjeu philosophique est essentiel pour Socrate, s'il obtient un accord de la partie adverse. En montrant qu'il y a superposition erronée des concepts de plaisir et de Bien chez ses contradicteurs hédonistes, en usant notamment de la comparaison de la cuisine et de la médecine comme activités aux finalités différentes, le philosophe veut convaincre d'une vision du cosmos où le corps est un obstacle à dépasser, par la voie de la raison, pour accéder à la vérité, qui se situe dans une dimension supérieure.
[...] Toute la civilisation chrétienne dont nous sommes en partie les héritiers est donc tributaire de cet aspect du socratisme. Le plaisir a été teinté de culpabilité, jusqu'à peu, et reste parfois lié à la notion de vulgarité (« les plaisirs vulgaires »). Il est marqué par son statut inférieur et se détournant du Bien. Nous trouvons aussi des traces dans la hiérarchisation des savoirs et des compétences, le savoir manuel étant déclassé par rapport à la capacité spéculative, censée surplomber les actions humaines. Nous pouvons ainsi mesurer l'influence immense des dialogues socratiques sur la civilisation occidentale. [...]
[...] La cuisine, la danse, la sexualité, le sport, peuvent se combiner avec la recherche philosophique, dans la mesure où le corps et l'esprit ne sont pas considérés de manière radicalement séparés comme par Socrate - Pourquoi les hommes développent-ils de telles activités ? Du point de vue de Socrate, s'enferrer dans des activités qui recherchent le plaisir relèvent de l'erreur, et relèvent d'une attitude inadaptée à la recherche du Bien. Elles sont le résultat de l'enfermement, que sa sagesse essaie de combattre par la maïeutique, de l'Humain dans le corps. [...]
[...] Au même titre que la justice ou la beauté. Epicure quant à lui attirera l'attention sur la mesure nécessaire à la recherche de plaisir pour qu'elle corresponde avec le Bien. Nous touchons là au conflit fondamental entre deux courants « éternels » de la philosophie, l'idéalisme platonicien qui cherche la Vérité par la Raison, cette Vérité consistant à appréhender des essences, et le matérialisme d'un Epicure, pour qui le Bien est immanent, procède donc du corps et de ses sensations de plaisir. [...]
[...] C'est ainsi la source des erreurs humaines et du Mal, logiquement. Mais l'humain est aussi doté du logos, qui lui permet de s'élever au-dessus de la clôture corporelle et d'accéder à des formes élevées de connaissance, pour le Bien et donc son Bien. Cette vision de Socrate imprègnera la pensée de la gnose, qui la radicalisera. Mais on peut aussi la lier aux différents courant manichéens dans l'histoire des idées et des religions. De Zoroastre aux hérésies chrétiennes plus tardives. [...]
[...] COMMENTAIRE DE TEXTE -EXTRAIT DE « GORGIAS » DE PLATON Dans cet extrait de « Gorgias », Socrate essaie d'obtenir la reconnaissance par son interlocuteur, Calliclès, d'une scission entre deux types d'activités humaines, celles qui sont tournées vers le plaisir, auxquelles il prête une dimension étroite, et celles qui sont dirigées vers le Bien, à la fois comme un état vécu par l'être humain mais comme enjeu de connaissance en soi. L'enjeu philosophique est essentiel pour Socrate, s'il obtient un accord de la partie adverse. [...]
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