Commentaire de De l'identité personnelle, section IV de Traité de la nature Humaine de David Hume. Dans ce traité, Hume rappelle quel est le rôle majeur et constitutif de l'expérience dans la connaissance, comment notre esprit se forme à partir de son caractère varié et inédit.
[...] L'induction sera à ce titre la méthode privilégiée. Ainsi, tout comme la réalité de mon moi ne peut être appréhendée que de manière différée, dans l'extériorité de mes impressions sensibles, qui constituent la forme interne de la pensée ; le savant, dans la reconduction de sa recherche, donne sens à sa compréhension du monde en passant prioritairement par l'observation. Hume est ainsi là pour nous rappeler de manière essentielle que la perception ne joue pas seulement le rôle de moteur dans l'élévation de la connaissance extérieure ou de l'approche sensitive de notre être mais qu'elle constitue le fondement ultime, de la découverte même de notre être ou de l'approche des phénomènes extérieurs : je ne parviens jamais à me saisir moi-même sans une perception et jamais rien observer d'autre que la perception. [...]
[...] Supprimer l'action quantitative et qualitative de notre être, c'est perdre la réalité même de son être, ce qui détermine sa constitution intime. Refuser l'idée d'une pensée qui prendrait toute sa valeur à partir d'un réceptacle d'impressions sensibles, c'est substituer délibérément à l'être le non-être, envisager l'idée d'une pensée vide, ayant perdu toute vivacité ; car notre être constitutif, c'est le réseau d'impressions sensibles qui en constitue ses caractères, lui imprime sa forme. Se représenter soi-même, c'est accepter de faire la va et vient entre la pensée et l'expérience et n'envisager la première qu'à partir de la seconde, qui non seulement lui donne sa constitution intime, mais donne sens à son activité. [...]
[...] L'homme trouve ainsi ses caractéristiques dans ses aspects conflictuels, tantôt lumière ou ombre amour ou haine jamais égal à lui- même, il ne s'appréhende que dans le changement, la différence qualitative de ses impressions. C'est cet aspect vivant de lui-même qui va le constituer et lui donner un caractère d'exception remarquable. Rechercher authentiquement et sérieusement ce que nous sommes, c'est appréhender le réseau d'intuitions sensibles qui nous constitue et qui est difficilement objectivable, proprement inconcevable parce que trop inédit. L'introspection de soi-même ne peut s'accompagner que d'une difficulté à cerner objectivement le caractère intuitif et caché qui nous rend proprement vivace et original. [...]
[...] Elle constitue le cadre constitutif de toute expérience. Le sentiment d'existence et de liberté est donc corrélatif à l'ensemble de nos perceptions : je m'éprouve moi-même à partir de ce que je sens, je vis, je m'appréhende de manière concrète et sensible. Ce sentiment est confirmé lorsque toutes ces perceptions semblent mises entre parenthèses ou anéanties. L'usage de nos représentations dépend de cet amalgame de perceptions qui leur confère une lucidité et une clairvoyance pénétrante. L'approche représentative de la réalité dépend de cet ensemble de perceptions qui confère à nos jugements, la mesure appréciative des degrés et des sentiments. [...]
[...] Enfin, comment peut-on tenter de définir l'esprit et même peut-on y parvenir ? Si la pensée trouve sa constitution propre dans l'expérience, on peut fortement avancer l'idée qu'elle suit son mouvement discontinu, fragile et arbitraire et que dans cette mobilité même, elle ne peut s'imposer dans une identité invariable. Alors que l'identité implique la nécessité et fait de la pensée une substance qui loin de faire corps avec l'expérience ne peut s'affirmer qu'en se désolidarisant d'elle, le terme entité serait plutôt choisi par Hume pour ménager la possibilité pour la pensée de se former à partir de la variabilité de l'expérience. [...]
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