« Le Soi-même du Dasein quotidien est le On-même, que nous distinguons du Soi-même propre [eigentlichen], c'est-à-dire proprement saisi [eigens ergriffenen Selbst]. En tant que On-même, chaque Dasein est distrait dans le On, et il doit commencer par se retrouver. Cette distraction caractérise le « sujet » de ce mode d'être que nous connaissons sous le nom d'investissement préoccupé dans le monde de prime abord rencontré. Mais que le Dasein soit familier de lui-même comme On-même, cela signifie en même temps que le On trace à l'avance l'explication prochaine du monde et de l'être au monde. (…) De prime abord, le Dasein factice est dans le monde commun médiocrement découvert. De prime abord, « je » ne « suis » pas au sens du Soi-même propre, mais je suis les autres selon la guise du On. C'est à partir de celui-ci et comme celui-ci que, de prime abord, je suis « donné » à « moi-même ». Le Dasein est de prime abord On et le plus souvent il demeure tel. Lorsque le Dasein découvre en propre [eigens] le monde et s'approche, lorsqu'il s'ouvre à lui-même son être propre [sein eigentliches Sein], alors cette découverte du « monde » et cette ouverture du Dasein s'accomplissent toujours en tant qu'évacuation des recouvrements et des obscurcissements, et en tant que rupture des dissimulations par lesquelles le Dasein se verrouille l'accès à lui-même. » (Etre et temps, §27, trad. Martineau p.116-117).
[...] C'est pourquoi dans un dernier mouvement, Heidegger analyse le mécanisme par lequel l'homme peut accéder à lui-même : une « évacuation des recouvrements et des obscurcissements ». Contrairement à l'intuition qui voudrait que l'on se découvre par ajout d'identités successives, Heidegger affirme que pour rejoindre son Soi, c'est au contraire par retranchements et par soustractions qu'il faut procéder. Le Dasein n'est dès lors plus un « On-même », il est « en propre », c'est-à-dire se percevant sans les médiations dont il a hérité sans pouvoir d'abord les interroger. [...]
[...] En cela, nous sommes donc bien, non pas comme nous le souhaitons ou le souhaiterions, nous sommes à « la guise » des autres. Cette situation s'explique par le fait que nous n'avons en quelque sorte pas l'opportunité de nous connaître avant de recevoir des autres la conception de nous-même. C'est la raison pour laquelle Heidegger emploi l'expression « je suis « donné » à « moi-même ». A cet égard, Heidegger combat donc l'intuition première de l'homme qui est qu'il ne peut y avoir de médiation entre lui et lui-même : au contraire « le Dasein est de prime abord On ». [...]
[...] Introduction Dans cet extrait de l'Être et temps, le philosophe Heidegger aborde la question du rapport de l'homme à lui-même en développant des outils conceptuels susceptibles d'isoler l'homme en tant qu'être ayant un rapport à lui-même. Ce concept, que Heidegger nomme le « Dasein », a pour objet d'envisager l'homme dans sa relation à l'être, et entend pour ce faire démontrer que la perception que l'homme a généralement de lui-même est faussée par l'intervention de médiations diverses (le monde, les autres, etc.). [...]
[...] Heidegger tire à ce stade un premier bilan des observations précédentes : si l'homme ne se perçoit pas pour autant qu'il existe comme être unique, mais au contraire en fonction de son rapport aux autres (Heidegger écrit que le Dasein est « familier de lui-même comme On-même », autrement dit par le biais des autres), alors sa perception du monde est elle aussi faussée en tant qu'elle est celle d'un autre que lui-même. En cela la phrase « le On trace à l'avance l'explication prochaine du monde et de l'être au monde » signifie que l'homme n'accède au monde que par la médiation de ses semblables, et que cette médiation contient déjà en elle-même une façon préconçue d'envisager le monde. [...]
[...] Conclusion Ainsi, dans cet extrait, Heidegger pose la question de la perception de l'homme par lui-même en proposant que celle-ci soit faussée par l'intervention du monde et des autres, qui constituent une médiation a priori indécelable pour le sujet. En élaborant des concepts nouveaux, Heidegger entreprend de préciser ce que nous percevons lorsque nous affirmons nous percevoir nous-même. De ce fait, il permet de suggérer et de nommer la place qu'occupent les autres en nous-mêmes, et que nous considérons, si nous n'y prenons garde, pour notre propre être. [...]
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