« Dans le moment où je semble me replier le plus sur ma singularité, je me sens universel » ; c'est de ainsi que Gérard Lebrun commente le paradoxe de l'aspiration à l'universel du jugement du goût dans son ouvrage Kant et la fin de la métaphysique. Le texte que l'on se propose de commenter développe ce problème, et plus généralement, aborde le thème des principes relatifs au jugement du goût. Le premier alinéa du paragraphe 22, intitulé « La nécessité de l'adhésion universelle à laquelle il est fait référence dans un jugement de goût est une nécessité subjective qui, sous la supposition d'un sens commun, est représentée comme objective » est situé dans le quatrième moment de l' « Analytique du Beau » de la Critique de la faculté de juger (1790), dans lequel Kant analyse le jugement de goût d'après la modalité. Il avance ici la thèse suivante : le jugement de goût, quoique fondé sur la subjectivité du sentiment, prétend à une universalité nécessaire du fait sa propre exemplarité, selon le principe supposé de l'existence d'un sens commun, mais ce principe subjectivement universel ne peut être que subsumé sous le principe objectif et particulier de la satisfaction, car le jugement de goût est réfléchissant.
[...] De plus, comme le jugement esthétique est réfléchissant, c'est-à-dire qu'il (subsume( le général sous le particulier, le subjectif sous l'objectif, le principe objectif est premier par rapport au principe subjectivement universel. Finalement, le jugement de goût, quoique libre, est soumis à deux principes : un principe objectif ayant pour critère la satisfaction par rapport à l'objet, et un principe subjectif à prétention universelle, engendrée par l'exigence de nécessité du jugement lui-même, l'adhésion au sens commun. [...]
[...] Dans le premier moment du texte (jusqu'à avec celui-ci Kant explicite la formation de la notion de sens commun et son caractère fondamentalement subjectif. L'expression les jugements par lesquels nous déclarons une chose belle dénote bien la différence entre les jugements esthétiques et les jugements de la connaissance, dans lesquels nous aurions plutôt constaté une chose vraie. Les jugements de goût ont une origine subjective et un caractère (déclaré( de façon presque capricieuse, ou à tout le moins intransigeant, comme le montre la phrase nous ne permettons à personne d'être d'un autre avis Cette assurance presque aveugle en son propre jugement du goût est cependant paradoxale. [...]
[...] De surcroît, ce qui pousse le sujet à définir ce sens commun n'est pas fondé sur l'expérience c'est-à-dire que le sens commun ne provient pas d'une constatation empirique de jugements partagés. En effet, son objet n'est que normatif, et non définitif : il pose ce qui doit être et non ce qui est, donc se place dans la sphère de l'hypothétique et non du constat ; à ce titre, il ne peut avoir pour objet une quelconque expérience. On pense que le jugement esthétique des autres devra s'accorder avec le mien, sans jamais vérifier s'il s'accordera de facto. [...]
[...] C'est cette dernière satisfaction relative à un objet qui est concernée par l'autre règle du jugement de goût, et les rapports entre ces deux règles sont développés dans la troisième partie. Après avoir supposé qu'il serait possible d'ériger le sentiment commun en règle universel, Kant donne une raison justifiant cette conjecture. Le subjectivement universel expression oxymoriste désignant bien le sens commun typique du jugement de goût oscillant entre universel et personnel, est bien une règle, une supposition d'unanimité, mais seulement en même temps qu'un principe objectif c'est-à-dire la satisfaction liée à l'objet lui-même. [...]
[...] Enfin, se pose le problème de la hiérarchie ontologique de ces principes régulateurs : soit l'on a affaire à un jugement déterminant et alors le principe objectif particulier se subsume sous le principe subjectif universel, soit le jugement est réfléchissant, et c'est alors l'inverse qui se produit. Il y va de déterminer si le subjectivement universel peut permettre de connaître le beau. Dans un premier temps Dans tous les jugements chacun doit être d'accord avec celui-ci Kant définit le postulat subjectif de l'universalité du sens commun, et met en avant ses contradictions et limites de façon assumée. [...]
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