Dans le chapitre VII du livre I de la Physique, Aristote trace les contours de sa théorie de la génération. Le raisonnement du chapitre aboutit d'une part à l'identification de "quelque chose de sous-jacent" propédeutique au mouvement, le substrat, qui a comme qualité de ne pas être qualifié relativement à un autre substrat. C'est de lui qu'adviennent tous les étants. La substance est la seule à advenir absolument car elle ne nécessite pas de support, de quelque chose qui lui est sous-jacent. Là est la nuance entre devenir et advenir : advient uniquement ce qui ne nécessite pas de support, ce qui le nécessite, devient.
De l'autre, nous dit Aristote, tout ce qui devient est toujours composé car l'on a d'une part la chose qui advient et de l'autre quelque chose qui devient la chose qui advient. Il procède en illustrant que les principes des étants naturels sont trois (les deux contraires et le substrat sur lequel les deux premiers agissent), comment ils sont trois (il y en a en effet dans un autre sens que deux étant donné que les contraires ne forment qu'un mais tenant compte de leur différence d'essence ils demeurent trois) et de quelle manière ils sont principes (il ne peut y avoir action sans action d'un principe sur un autre et rien ne devient si quelque chose ne permane: dire qu'il y a changement implique quelque chose qui se maintient). Reste ambigu, nous dit-il, le caractère de la substance, est-elle forme ou matière ?
[...] Il nous en explique la dynamique. En effet, nous dit-il, à partir de la privation (l'en tant que non-blanc qui rend possible, par sa disparition, l'advenir du blanc) qui est elle-même un non-étant, quelque chose advient. De plus, elle ne persiste pas dans la chose advenue, le résultat. C'est ce que l'on a déjà souligné dans le paragraphe précédent en analysant le personnage du médecin. À ce stade, il met en évidence ce qu'on pourrait lui reprocher. Effectivement, dit-il, la manière dont ce mouvement se vérifie peut sembler étrange et l'on pourrait dire qu'un advenir de cette façon du non-étant est impossible (comment justifierait-on que quelque chose advienne grâce à l'absence de ce qui est censé la faire advenir De même, on pourrait critiquer le fait que rien n'advient d'un l'étant ni un étant advient si ce n'est par accident. [...]
[...] Il s'agit d'un point essentiel pour la seconde partie de la démonstration. Résumant, Aristote identifie deux types de génération, un premier à partir du non-étant (le blanc advient à partir du médecin en tant que non-blanc et la maison advient à partir du médecin en tant que non- médecin) qui est possible uniquement par le en tant que et qui implique tantôt une permanence (le médecin en tant que constructeur construit une maison demeure médecin), tantôt une privation (le blanc qui advient à partir du médecin en tant que noir ne maintient pas le médecin et ne garde qu'une relation de qualité avec l'en tant que). [...]
[...] Il faut donc dire qu'advenir du non étant signifie en tant que non étant. C'est l'erreur des autres philosophes qui, ignorant cette distinction (pour soi/par accident) ont affirmé l'absence de toute génération et sont allés jusqu'à dire qu'aucun étant ni n'advient ni n'existe. Aristote leur reconnaît tout de même le mérite d'avoir compris que rien n'advient absolument du non étant mais au sens propre, par accident (c'est grâce à la privation, un non étant, que quelque chose advient sans en garder la trace. [...]
[...] Le passage analysé, organisé autour de la première solution à opposer aux thèses des atomistes et des éléates quant à l'advenir de et à partir de l'étant ou du non-étant, démontre dans un premier temps, la génération à partir du non-étant par la matière et celle par la privation (le médecin qui en tant que constructeur fait advenir la maison et le médecin qui devient blanc en tant que noir) en introduisant une distinction entre celles-ci, l'advenir par accident, et l'advenir par soi de l'étant lorsque le médecin soigne ou devient incapable de soigner. Dans un second et dernier temps Aristote anticipe les critiques que cette nouvelle théorie pourrait faire surgir. Ces critiques n'ont pas lieu d'être dans la mesure ou contester l'advenir à partir du non-étant en tant que non-étant conduirait à poser qu'un animal déterminé, un chien, ne viendrait d'un animal, parce qu'il le serait déjà. [...]
[...] En effet, nous dit Aristote, advenir à partir de l'étant ou du non-étant ou que pour l'étant ou le non-étant faire ou subir quelque chose ou encore devenir quelque chose de déterminé, c'est, somme toute, comme dire que du médecin advient ou existe quelque chose ou que le médecin fait ou pâtit quelque chose. Étant donné que cela est exprimable de deux différentes façons, il doit en être de même pour ce qui concerne l'advenir à partir du non étant ou le subir et le faire pour l'étant. Mais il convient ici de se poser un certain nombre de questions. En effet, pourquoi Aristote introduit-il la figure du médecin en opérant ce passage d'étants abstraits à des étants déterminés ? L'image, particulièrement chère à Aristote, est intéressante à plusieurs niveaux. [...]
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