« C'est là, ajoute Hegel dans la Préface aux Principes de la Philosophie du Droit, la conviction de toute conscience libre de prévention, et la philosophie part de là lorsqu'elle considère l'univers spirituel aussi bien que l'univers naturel. » D'ailleurs, lorsque la philosophie présente la connaissance de la vérité comme un essai insensé, elle rend identique vertu et vice, connaissance et ignorance, et tombe dans le vide. L'adéquation de l'être et du savoir est donc, pour Hegel, le principe de toute réflexion véritable, la loi de toute philosophie digne de ce nom.
[...] Ce n'est pas pour nous, même si c'est à travers nous et en nous, que s'accomplit l'accord de l'être et du réel. Nous ne sommes pas au terme de l'histoire. Si donc notre raison ne cesse pas d'être ce par quoi se dit l'Être absolu, elle n'est cependant pas adéquate à lui, et pour nous demeure un irrationnel non résolu, un sens perdu, ce qui nous interdit la coïncidence avec le savoir absolu. Si on veut alors insister, dans la perspective hégélienne, sur la phénoménologie plus que sur la logique, la pensée de Hegel rejoint celle des philosophes dont elle semblait alors se séparer. [...]
[...] Sans doute la science est-elle en marche, et l'adéquation du monde et de la pensée n'est pas encore réalisée; mais les progrès mêmes de la pensée scientifique suffisent peut-être à faire apparaître la nature comme l'esprit caché, voilé, qui se révèlera de plus en plus complètement comme esprit au fur et à mesure des progrès incessants de la recherche scientifique. C'est pourquoi la science, et plus encore la science contemporaine que la science classique semble justifier l'assertion hégélienne. Le savant, aujourd'hui, n'est peut-être plus asservi au principe d'identité, il use du principe de contradiction et de celui de complémentarité, mais ceux-ci restent des principes de la raison. Finalement, dans le dialogue mené par le savant avec le monde, c'est la raison qui a l'initiative : La science ne part pas du réel, elle y va affirme Bachelard. [...]
[...] Les formes sensibles, notre existence même, qui n'est pas éternelle, sont et ne sont pas l'Être. C'est donc de l'Être absolu qu'il est possible de dire qu'en lui être et pensée coïncident. Notre volonté de comprendre a cette identité pour idéal. Il faut aussi reconnaître qu'à notre niveau l'inadéquation demeure nécessaire; il est impossible d'éviter ce fait que lumière suppose d'ombre une morne moitié Il y a une raison dans ce qui est obscur à la raison même. [...]
[...] C'est ainsi que, dans la perspective kantienne, le monde que nous connaissons ainsi demeure le monde des phénomènes; nous le connaissons en effet d'une manière qui nous interdit l'accès à la chose en soi. C'est ici que s'instaure le véritable débat : y a-t-il connaissance de tout l'être, ou ne pouvonsnous savoir que d'un savoir scientifique qui laisse échapper la chose en soi et avec elle l'être véritable? Ce sont ces limites de la connaissance que Hegel a voulu refuser. En effet, pour lui, la connaissance philosophique est d'un autre type que la connaissance mathématique ou scientifique. [...]
[...] Pourtant, ce décalage même entre la raison pour soi et la raison en soi est ce qui fait que la nature est un esprit caché qui ne se connaît pas et ne se révèlera esprit qu'à l'esprit qui comprendra. Ce décalage sera donc source de difficulté. En effet, pour elle-même, la nature restera opaque; les formes de l'être préalables au savoir absolu seront certes raison, esprit, savoir pour le savoir absolu, mais elles ne le seront pas pour elles. C'est pourquoi, dans cette mesure seulement, un irrationnel demeure, que Hegel intègre au rationnel en disant que ces formes de l'être sont l'être, et qu'ainsi le savoir de soi les enveloppe. [...]
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