« Si l'on veut arriver à la jouissance artistique il ne suffit pas de vouloir simplement consommer confortablement et à peu de frais le résultat d'une production artistique » dit Bertold Brecht, dramaturge allemand de la première moitié du XXe siècle, dans le texte que nous allons commenter. Ainsi, si le thème du texte est l'art, la problématique à laquelle l'auteur répond est celle de la formation du jugement esthétique. Peut-on juger une oeuvre d'art de manière immédiate, sans une réflexion, des connaissances préalables ? La thèse défendue par l'auteur est clairement que le jugement et le plaisir esthétique supposent une formation, une connaissance, en particulier du travail effectué et des techniques utilisées par l'auteur de l'oeuvre. Sa réflexion est centrée particulièrement sur la particularité de la production dans le monde contemporain où l'artisanat a été remplacé par l'industrie et la consommation de masse, réalités économiques qui conduisent les spectateurs des oeuvres d'art à se conduire face à une oeuvre comme face à un objet industrialisé, en oubliant le travail qui a été nécessaire à sa réalisation.
Le texte se divise ainsi en cinq paragraphes, mais on peut distinguer 3 mouvements dans l'argumentation menée par Brecht. Dans les deux premiers paragraphes, il fait une critique de deux opinions courantes et fausses : à la fois de l'opinion commune selon laquelle l'appréciation d'une oeuvre d'art ne demande pas de connaissances ni d'explications, et de l'opinion qui se développe pour le coup chez certains artistes, qui, en s'appuyant sur cette idée défendent un idéal démocratique de l'art où n'importe qui pourrait y avoir accès et non seulement un petit cercle de connaisseurs. Par la suite, Brecht va développer et argumenter sa thèse : dans le troisième paragraphe il montre que la disposition artistique propre à l'espèce humaine suppose l'apprentissage d'un savoir faire pour le développer et dans le quatrième paragraphe que ce savoir faire doit être repéré dans l'appréciation d'une oeuvre d'art, ce qui demande une rééducation du spectateur à notre époque où on ne considère plus le travail que comme le produit automatisé d'une machine et non d'un individu (...)
[...] Cependant, la différence est marquée davantage entre l'artiste et l'ouvrier industriel, qu'entre l'artiste et l'artisan. En effet, il reproche à l'organisation économique industrielle d'avoir conduit à oublier que les produits qu'on trouve sur les rayons des supermarchés ne sont pas arrivés là par magie mais sont le fruit de l'effort d'être humains. Tout produit suppose un producteur. Or, l'industrialisation et la consommation de masse nous donnent l'impression que tout est produit mécaniquement, en série Or, l'œuvre d'art, justement, ne peut être jugée, appréciée, si on la confond avec une production mécanique. [...]
[...] Dans les deux premiers paragraphes l'auteur s'attaque à une opinion répandue concernant l'effet produit par une œuvre d'art. Celui-ci devrait être le même pour tous. On pourrait croire à un certain élitisme de l'auteur, qui refuserait l'accès à l'art à n'importe qui et privilégierait seulement une élite de connaisseurs. Mais ce n'est pas le cas, ce qui est critiqué ici, ce n'est pas le fait que l'art soit compréhensible par tous mais qu'il le soit sans formation ni connaissances préalables : ce qui est démocratique, dit-il, c'est de faire du petit cercle de connaisseurs, un grand cercle de connaisseurs En effet, il reprend le discours de l'opinion commune, qui semble être sensé : faudrait-il suivre une conférence pour être ému par la sculpture de Michel- Ange ? [...]
[...] Il semble en effet ici être en opposition avec Kant pour qui les Beaux-arts (par opposition aux arts mécaniques, ou utilitaires) sont les arts du génie car l'artiste produit comme la nature sans que nous puissions dégager les règles qu'il applique. Au contraire, Brecht montre que nous avons tort de ne pas voir le nécessaire processus de fabrication d'une œuvre dans l'œuvre achevée. Il s'oppose à l'idée que l'œuvre est une fin en elle-même, une réalité autonome qui peut se lire indépendamment du processus qui l'a fabriquée. [...]
[...] On ne considère que le résultat du travail (éventuellement même, il procure du plaisir), mais non le travail lui-même. Si l'on veut arriver à la jouissance artistique, il ne suffit jamais de vouloir simplement consommer confortablement et à peu de frais le résultat d'une production artistique ; il est nécessaire de prendre sa part de la production elle-même, d'être soi-même à un certain degré productif, de consentir une certaine dépense d'imagination, d'associer son expérience propre à celle de l'artiste, ou de la lui opposer, etc. [...]
[...] Il n'y a pas de raison que le plaisir esthétique s'obtienne à meilleur compte. B. BRECHT, Considérations sur les Arts plastiques (1939) Si l'on veut arriver à la jouissance artistique il ne suffit pas de vouloir simplement consommer confortablement et à peu de frais le résultat d'une production artistique dit Bertold Brecht, dramaturge allemand de la première moitié du XXe siècle, dans le texte que nous allons commenter. Ainsi, si le thème du texte est l'art, la problématique à la quelle l'auteur répond est celle de la formation du jugement esthétique. [...]
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