Dans ce texte, Sénèque entend montrer que la vertu est le bien suprême et souverain ; par conséquent, elle vaut par elle-même et doit être recherchée pour elle-même, et non pour le plaisir qui peut bien l'accompagner. Il faut donc différencier vertu et plaisir : c'est ce que va faire l'auteur dans la première partie du texte. Il ne s'agit pas de dire que la vertu est déplaisante, mais bien qu'elle ne tire pas sa valeur d'un plaisir qui n'est finalement au pire que son « accessoire », au mieux son acolyte, et certainement pas sa « raison d'être ». Les coquelicots rendent peut-être le champ plus agréable à regarder ; peut-être profitent-ils des labours pour s'épanouir — mais enfin, ce n'est pas pour faciliter leur floraison que le semeur a travaillé.
En d'autres termes, le plaisir peut fort bien se surajouter à la vertu, mais ce n'est pas en vue de l'obtenir qu'il faut s'efforcer d'être vertueux. Qu'est-ce alors que la vertu ? La seconde partie du texte a précisément pour objet de la définir : elle consiste « dans le jugement même et dans la tenue d'un esprit excellent », c'est-à-dire dans le bon usage que nous pouvons faire de notre volonté. La vertu est à soi seule le « souverain bien » : cela signifie-t-il que l'homme vertueux, parce qu'il ne se soucie pas du plaisir, mais veut la vertu en tant que telle, se condamnera du même coup au malheur?
[...] Ce qu'il reste donc à démontrer, c'est l'identification de la vertu au souverain bien, et c'est l'objet de la dernière partie du texte : la vertu est le bien suprême, c'est-à-dire celui au-delà duquel il n'y a plus rien. Rien n'est plus désirable que la vertu ; par conséquent, on ne peut la vouloir pour autre chose qu'elle-même. Ce que nous voulons avec la vertu, c'est la vertu elle-même puisqu'il n'y a rien de plus élevé qu'elle, dont elle pourrait dépendre. Mais comment obtient-on la vertu? [...]
[...] On ne veut donc pas la vertu au nom du plaisir, précisément parce que la vertu est le bien suprême, et qu'il n'y a rien au-delà du suprême (sans quoi ce suprême ne serait justement pas suprême). Aussi bien la vertu est-elle sa propre récompense : ce qu'on demande à la vertu, c'est elle-même parce qu'il n'y a rien de mieux à demander. La vertu est aussi son propre prix. La vertu est aussi son propre prix : le prix à payer pour la vertu, c'est d'être soi-même vertueux. [...]
[...] C'est en et pour elle-même que la vertu doit être recherchée ; si le plaisir s'ajoute, eh bien tant mieux ! Mais ce n'est pas lui qui doit être l'objet de nos efforts ; en d'autres termes, ce n'est point parce qu'il a des charmes qu'il est admis, mais, s'il est admis, ses charmes s'ajoutent La vertu et le souverain bien La vertu est le souverain bien Ainsi, la vertu est en soi le souverain bien, c'est-à-dire le suprêmement désirable. [...]
[...] En d'autres termes, le bonheur dépend d'une certaine tenue de la volonté, et non des plaisirs corporels : la première nous rapproche des dieux, les seconds des bêtes. Cela ne signifie pas toutefois que la vertu s'accompagne nécessairement de souffrance : la vertu doit procurer du plaisir Elle le doit, non au sens d'un devoir impératif, mais d'une possibilité toujours ouverte: entendons par là que la vertu peut bien, dans certaines conditions, engendrer du plaisir. Mais ce n'est pas toujours le cas, et ce plaisir, dépendant des circonstances extérieures, ne saurait appartenir à la vertu elle-même. [...]
[...] Ce n'est point parce qu'il a des charmes qu'il est admis, mais, s'il est admis, ses charmes s'ajoutent. Le souverain bien consiste dans le jugement même et dans la tenue d'un esprit excellent qui, sa carrière[1] remplie et ses limites assurées, a réalisé le bonheur parfait, sans rien désirer de plus. En effet, il n'y a rien hors du tout, pas plus qu'au-delà de la limite. C'est donc une erreur que se demander la raison pour laquelle j'aspire à la vertu. [...]
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