Blanc, Flaubert, Education sentimentale, Madame Bovary, Gustave Flaubert, Marcel Proust, romantisme, Albert Thibaudet
Claudine Gothot-Mersch rapporte les propos suivants : « Marcel Proust disait un jour à Albert Thibaudet qu'il n'admirait rien tant, dans l'œuvre de Flaubert, que le blanc qui sépare deux passages de l'Education sentimentale. Et Thibaudet de répondre que, tout en appréciant ce blanc comme il convient, il en connaît un qui lui paraît plus étonnant encore : celui qui sépare les Œuvres de jeunesse de Madame Bovary ». Que penser de ce jugement d'Albert Thibaudet au sujet de Madame Bovary ?
[...] En dehors du crime de l'héroïne, on retrouve ici l'histoire d'Emma. On peut aussi noter que l'amant de Passion et Vertu est un séducteur cynique qui annonce le personnage de Rodolphe : d'ailleurs, tous deux se font le serment de séduire les jeunes femmes presque dans les mêmes termes. b. Des thèmes réutilisés. Par-delà l'importance qu'ont pu avoir Passion et Vertu dans la genèse de Madame Bovary, on peut également souligner que deux œuvres de jeunesse au moins traitent d'un thème qui est au centre de l'œuvre de 1857 : celui du couple mal assorti. [...]
[...] Revenant sur la surprise que lui a causée la lecture de ces premiers écrits, Albert Thibaudet s'étonne du blanc qui sépare les Œuvres de jeunesse de Madame Bovary Selon lui, Madame Bovary crée donc une rupture par rapport à la production antérieure de Flaubert. Peut-on affirmer, comme il le fait, que rien ne semblait annoncer Madame Bovary dans les Œuvres de jeunesse de Flaubert ? Nous verrons tout d'abord que la réaction de Thibaudet s'explique aisément dans la mesure où Madame Bovary semble initier une écriture nouvelle. [...]
[...] Pour Madame Bovary, il opère de façon totalement différente. Ayant reconnu que l'une des deux faiblesses de la première Tentation de Saint Antoine était l'absence de plan, le défaut de structure, il consacra d'abord deux mois à établir trois scénarios généraux successifs, auxquels il se référera régulièrement pendant la longue période de l'élaboration de l'œuvre. En outre, ces trois scénarios primitifs seront suivis de nombreux scénarios de nombreux scénarios d'ensemble et partiels, que Flaubert élabore au fur et à mesure, et qui lui évitent de perdre le fil En effet, il a recours à plusieurs reprises à cette métaphore pour souligner ce souci nouveau de cohérence interne : Mais les perles ne font pas le collier ; c'est le fil b. [...]
[...] Or, en dehors de l'affaire Delamare, mais aussi de l'affaire Loursel ou de l'histoire de Madame Ludovica Flaubert s'inspire, pour écrire Madame Bovary, d'une de ses Œuvres de jeunesse, Passion et Vertu, qui peut être vue comme une esquisse primitive de Madame Bovary. Ce récit de jeunesse écrit en 1837, s'inspire d'un fait divers rapporté la même année dans le Journal de Rouen, sous le titre La moderne Brinvilliers Flaubert reprend la trame du fait divers et raconte la vie tragique d'une jeune femme romanesque et mal mariée, Mazza Willers. Pour rejoindre en Amérique son amant, elle assassine son mari et ses enfants. Mais, après son crime, elle reçoit une lettre de rupture et se suicide en avalant de l'arsenic. [...]
[...] De manière générale, tous ces écrits font la belle à la tonalité lyrique. Au contraire, dans Madame Bovary, comme ce sera le cas dans les romans qui suivront, Flaubert s'attache à ne pas manifester sa présence au sein de la narration. Il porte, certes, un jugement peu favorable sur ses personnages, mais l'ironie qui s'exerce contre eux, et qui apparaît très nettement dans les scénarios et plans reste voilée dans le texte final : ainsi, c'est pour lui seul que Flaubert note qu'Emma est po-é-tique Cet effort que Flaubert accomplit alors pour atteindre l'« impersonnalité lui sera d'ailleurs reproché lors de son procès : selon ses détracteurs c'est parce que l'auteur ne juge pas son héroïne que le roman est immoral. [...]
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