On peut saisir la conscience par le savoir, par la relation du sujet et du monde ou à travers l'activité du sujet pensant comme Descartes. Dans L'Energie spirituelle, Bergson approche à son tour une définition de cette conscience et il le fait à partir de ce qui lui paraît le plus "apparent". Pour ce philosophe, la conscience est mémoire ou plus précisément, elle est "un pont jeté entre le passé et l'avenir". N'est-ce pas par le savoir, par l'intuition qu'un sujet prend de ses propres états que l'on approche d'ordinaire la conscience ? Bergson nous invite à saisir le lien étroit, indivisible qui rattache le sujet conscient, présent à lui-même et la temporalité (...)
[...] Il en est de même pour la connaissance. C'est donc à repenser l'homme et sa liberté que nous invite Bergson ici. Loin de nous construire indépendamment de tout ce qui nous a précédé, c'est notre vécu, notre passé qui vient s'exprimer dans notre présent pour lui donner sa forme particulière et originale. En d'autres termes un homme n'est pas libre parce qu'il croit faire indifféremment ce qu'il veut mais il affirme au contraire sa liberté dans des actes qui portent en eux la totalité de son être et qui l'expriment. [...]
[...] Nous rattachons nos souvenirs à notre situation actuelle et à notre action, rejoignant en quelque sorte les préoccupations de l'animal en nous. Nous retenons le passé et nous anticipons sur l'avenir parce que la vie demande des choix. Or choisir c'est décider de ce que l'on pourra faire à partir de ce que nous avons déjà appris. Il faut pour agir à la fois prévoir et se souvenir. La conscience est solidaire de l'action et le passé conservé, accumulé vient aider la construction du présent tout en préparant l'avenir. [...]
[...] Nous sommes peu à peu conduits vers une approche qui en inscrivant la conscience dans le temps nous inscrit non plus dans l'immédiateté du savoir mais dans le projet qui semble bien spécifier l'activité consciente. Dès lors, l'enjeu de notre texte peut-il être séparé de l'idée de liberté ou de créativité ? Dès le début du texte Bergson ne cerne pas la conscience à partir de son approche traditionnelle c'est-à-dire comme présence à soi et au monde mais bien plutôt comme mémoire. [...]
[...] On a beau aligner ces états les uns à côté des autres, nous ne saisirons ainsi la vraie vie de la conscience, la vraie nature de la durée qui coule. Parler d'instant mathématique c'est parler de notre moi le plus profond en termes de quantité, de données séparées qui s'ajoutent les unes aux autres comme des éléments distincts. N'est-ce pas la réduire en passant à côté du temps réel ? Il semble que pour penser le temps et en particulier le présent, nous utilisons des considérations qui valent dans les sciences où il est question de mesure, de calcul, là où un moment du temps est appréhendé en termes d'espace. [...]
[...] Pour saisir le lien étroit qui relie la conscience et le temps, il faut rompre avec un mode de réflexion qui traduit les données de la conscience en termes nettement arrêtés, définis, en concepts, loin de ce qui est vécu. Le besoin qui est en nous de clarifier, de distinguer pour comprendre nous pousse à ce genre d'approche. Nous privilégions les symboles à la réalité concrète. C'est déjà ce que nous a montré Bergson au début du texte lorsqu'il était question de saisir la conscience. C'est la même difficulté que nous retrouvons pour penser le présent. [...]
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