On définit habituellement la conscience de quelqu'un comme l'intuition qu'il a de son présent. Mais qu'est-ce que le présent ? A peine né, il meurt, il est une sorte de point mathématique, qui se déplacerait le long de la ligne du temps, intersection d'un vecteur tourné vers le passé et d'un autre vecteur tourné vers le futur. Nous voudrions commenter un passage de Bergson qui situe la conscience sur la ligne du temps. Nous commencerons par décrire cette perspective bergsonienne, nous nous arrêterons ensuite à la raison de cette manière de voir (...)
[...] Mais n'oublions pas qu'il a distingué deux mémoires : la mémoire-habitude et la mémoire-souvenir, la première qui utilise le passé sans le connaître comme passé, la seconde qui se représente le passé avec sa note de passé. première vue, Bergson vise ici ces deux mémoires ne sont-elles pas toutes deux "conservation et accumulation du passé dans le présent"? Mais, à y regarder de plus près, il nous semble que Bergson vise la seconde, la mémoire-souvenir. Pour lui en effet, la mémoire-habitude a une explication physiologique, alors que la mémoire-souvenir est une caractéristique l'esprit ou de la conscience. [...]
[...] On peut considérer dans cette fonction psychique deux aspects : l'imagination reproductrice, l'imagination créatrice ou mieux anticipatrice. L'imagination reproductrice est tournée vers le passé qu'elle reproduit, elle est, peut-on dire, un aspect de la mémoire-habitude, ce n'est pas d'elle qu'il s'agit ici. L'imagination anticipatrice est tournée vers l'avenir nous pensons que c'est l'imagination au sens fort, et c'est d'elle qu'il s'agit ici. "Conscience signifie mémoire", avait dit Bergson. Pour faire ici pendant, nous dirions : conscience signifie imagination anticipatrice. Entre-deux - L'intersection des domaines de la mémoire et de l'imagination, c'est le présent. [...]
[...] Autrement dit, la conscience est plus vive dans le cas d'un choix libre que dans le cas d'un choix simplement spontané. Nous pouvons conclure de cette argumentation une nouvelle définition de la conscience : elle est choix. C'est parce qu'elle est choix qu'elle est mémoire et anticipation Et c'est parce qu'elle est choix qu'elle retient le passé et anticipe l'avenir. Commençons par l'avenir. Pour que je puisse choisir, il faut que, non seulement je vois le but à atteindre, mais les diverses routes qui semblent y conduire. Il faut donc bien que j'imagine l'avenir. [...]
[...] Nous avions dit que la poursuite d'un but comportait "normalement" un choix. Si nous avons ajouté : normalement, c'est qu'il est des actions, c'est-à-dire des mouvements finalisés, qui ne comportent pas de choix. On les dit automatiques. Si une machine est dite automatique quand elle semble se diriger vers une fin comme le vivant, l'action d'un vivant est au contraire dite automatique quand elle ressemble au mouvement d'une machine, parce que dépourvue de choix. Conscience est choix - Bergson nous fait remarquer que, quand l'activité est spontanée, qu'elle soit libre ou non, autrement dit quand l'action appelle un choix, il y a conscience. [...]
[...] Bergson ne s'étend pas sur cet entre-deux. Notons toutefois qu'il ne l'appelle pas un point, comme nous avions dit en commençant, mais un pont. Un point n'a pas d'épaisseur, un pont a une certaine longueur. Ce que vise par suite Bergson quand il parle du trait d'union, ce n'est pas la notion métaphysique du présent, c'est le présent psychologique, dont nous avons déjà dit, en parlant de la mémoire immédiate, qu'il a une certaine durée, qu'il empiète sur le passé. [...]
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