Ce texte de Bergson a pour objet de démontrer que l'artiste se caractérise par une perception directe du réel, dégagée de toute pensée pratique. La « vision » de l'artiste fait abstraction du côté fonctionnel de la réalité. L'argumentation du philosophe repose sur une opposition qui traverse tout le passage, et qui se décompose en trois étapes : l'opposition entre la perception de l'artiste et la perception de l'ordinaire. La première, la perception de l'artiste, a pour but de découvrir la réalité dans sa forme la plus profonde et la plus complète, et non pas seulement dans sa dimension utilitaire (ce que nous apprennent les deux premières lignes du texte). La seconde, (l. 2 à 6), qui est avant tout fonctionnelle et utilitaire, appauvrit la réalité en ne s'attachant qu'à ce qui permet d'agir efficacement et de vivre commodément. Cette opposition permet à l'auteur, dans un troisième moment de caractériser tout ce qui chez l'Homme ordinaire contribue à appauvrir la perception de la réalité (...)
[...] Texte: "Qu'est-ce que l'artiste ? C'est un homme qui voit mieux que les autres, car il regarde la réalité nue et sans voiles. Voir avec des yeux de peintre, c'est voir mieux que le commun des mortels. Lorsque nous regardons un objet, d'habitude, nous ne le voyons pas, parce que ce que nous voyons, ce sont des signes conventionnels qui nous permettent de reconnaître l'objet et de le distinguer pratiquement d'un autre, pour la commodité de la vie. Mais celui qui mettra le feu à toutes les conventions, celui qui méprisera l'usage pratique et les commodités de la vie et s'efforcera de voir directement la réalité même, sans rien interposer entre elle et lui, celui-là sera un artiste. [...]
[...] Le cas du peintre peut illustrer cette conception. Selon Platon, un artiste ne connaît rien aux objets qu'il représente, par opposition à l'artisan qui, lui les fabrique. C'est en cela que ce dernier, qui connait l'utilité de l'objet, est supérieur à l'artiste et c'est pourquoi Platon fait un procès à l'art et affirme qu'il faut chasser les artistes de la cité. A la lumière de cette analyse, on comprend ce que peut avoir d'étrange l'affirmation selon laquelle l'artiste voit mieux que les autres Cette phrase, tirée de l'extrait que nous avons expliqué, doit être précisée. [...]
[...] En effet, comme le philosophe, mais d'une manière que lui, l'artiste devient chercheur privilégié du vrai. Bergson vise principalement par cette expression les mots de notre langage qui sont interposés, comme des étiquettes le sont sur des produits de consommation, entre les objets et nous. Ces mots nous procurent cette commodité qui est celle de la consommation, laquelle rend l'échange plus facile, le travail plus aisé et avec lui, une meilleure satisfaction des besoins. C'est pourquoi Bergson écrit que les signes conventionnels qui composent le langage nous permettent de reconnaître l'objet et de le distinguer pratiquement d'un autre Ces conventions sont simplificatrices, car elles écartent de l'objet tout ce qui ne correspond pas à son utilité. [...]
[...] Cet œil, pour reprendre le mot de Claudel, doit apprendre à écouter le monde. Pour conclure, nous pouvons dire que l'artiste peut être défini comme un être qui regarde le monde d'une manière nouvelle et désintéressée. Dans la perception, il fait abstraction de toute pensée utilitaire ou nominative. Cette conception de l'art, qui est celle de Bergson et qui s'oppose à celle de l'Antiquité, donne un sens original à la fonction artistique : il s'agit avant tout de voir la vérité dans le réel. [...]
[...] Également, ces conventions interposées font également dans la moindre mesure, référence aux normes que nous impose la société dans laquelle nous vivons. En effet, l'individu naissant dans al société hérite, dès son plus jeune âge, d'un ensemble de valeurs fondamentales admises par son groupe et dont l'influence façonne et oriente subjectivement son regard sur le monde. [...]
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