Dans L'ordre du discours, Michel Foucault définissait les exigences de sa méthode visant à étudier les conditions d'apparition des discours, à partir de la prémisse voulant que « dans toute société la production du discours est à la fois contrôlée, sélectionnée, organisée et redistribuée par un certain nombre de procédures qui ont pour rôle d'en conjurer les pouvoirs et d'en esquiver la redoutable matérialité. » Il distinguait alors deux ensembles d'analyses : celle critique, des analyses du contrôle discursif, et celle, généalogique, des séries de discours. Le dixième et dernier chapitre de l'essai "Les mots et les choses" applique l'analyse de type généalogique à l'ensemble de discours que constituent les sciences humaines.
Selon les principes de discontinuité, de spécificité et d'extériorité, Foucault analyse la norme spécifique des sciences humaines, leurs conditions d'apparition, de croissance et de variation : ces principes exigent de traiter les discours comme des pratiques discontinues, de concevoir le discours comme « une violence que nous faisons aux choses » et, surtout, d'aller à partir du discours lui-même vers ses conditions externes de possibilité. Cette méthode lui permet d'exposer la thèse voulant que l'apparition des sciences humaines, au tournant du XIXe siècle, est due à un changement dans la disposition générale de l'épistémè, entendue comme « ensemble des relations pouvant unir, à une époque donnée, les pratiques discursives qui donnent lieu à des figures épistémologiques, à des sciences, éventuellement à des systèmes formalisés.»
[...] Ainsi, dès lors que l'homme, présent dans le monde empirique, est apparu aussi au fondement de toutes les positivités on a vu naître les sciences humaines. De la nécessité d'interroger ce fondement de toutes les positivités, [l'homme] devenait, a fortiori, ce qui autorise la mise en question de toute connaissance de l'homme.[3] Configuration de l'épistémè moderne et l'appellation sciences humaines Dans les relations qui unissent les discours qui donnent lieu à des sciences, Foucault distingue trois pôles : celui des sciences mathématiques et physiques, celui des sciences qui procèdent à la mise en rapport d'éléments discontinus mais analogues (linguistique, biologie et économie) et celui de la réflexion philosophique. [...]
[...] [Ces modèles] jouent le rôle de catégories dans le savoir singulier des sciences humaines.[6] Ainsi, d'une façon globale, la psychologie est fondamentalement une étude de l'homme en termes de fonctions et de normes ( la sociologie est fondamentalement une étude de l'homme en termes de règles et de conflits ( l'étude des littératures et des mythes relève essentiellement d'une analyse des significations et des systèmes signifiants.[7] Voilà donc ce que Foucault entend par interstice des savoirs : les sciences humaines n'ont pas à analyser la positivité de l'homme en tant qu'objet mais plutôt ce qui sépare cette positivité (de l'homme vivant, travaillant, parlant) de ce qui permet à ce même être de savoir ce qu'est la vie, en quoi consiste l'essence du travail et ses lois, et de quelle manière il peut parler.[8] Cette analyse que font les sciences humaines du lien entre la représentation de l'homme dans la sphère empirique et les modèles qui servent de catégories à cette représentation explique aussi que les sciences humaines puissent s'interpréter les unes les autres. Foucault détecte également, dans la courte histoire des sciences humaines, un changement au sein même de leur champ de connaissance. Placées du point de vue de la continuité, les sciences humaines avaient toujours à désigner, à partir de la continuité qu'elles analysaient, une altérité. [...]
[...] Or, les sciences humaines sont incluses dans l'interstice de ces savoirs ce qui explique leur incertitude comme sciences et leur difficulté, qui tient à la complexité de la configuration épistémologique où elles se trouvent placées, leur rapport constant aux trois dimensions qui leur donne leur espace.[5] 2 C'est donc avec beaucoup de circonspection que Foucault parle des sciences humaines : lorsqu'elles ne sont pas encadrées de guillemets, on parle de ce corps de connaissances de cet ensemble de discours de cette positivité de cette forme de savoir empirique qui s'applique à l'homme Le nombre de locutions employées pour désigner les sciences humaines montre bien, au-delà de la richesse de vocabulaire de Foucault, la difficulté qu'il y a à leur attribuer un statut précis. Cette difficulté tient au double problème de la forme de positivité propre aux sciences humaines et leur rapport à la représentation. Positivité Foucault estime que le domaine des sciences humaines couvre trois régions épistémologiques la région psychologique, la région sociologique et la région où règnent les lois et les formes du langage. [...]
[...] Leur rapport à la représentation Les modèles constituants, dont les sciences humaines ont à étudier le lien qu'elles ont avec les données empiriques qui peuvent être représentées dès lors que ces modèles agissent comme catégories, soulèvent le problème du rapport des sciences humaines à la représentation. C'est que la forme de cette représentation peut ne pas être consciente. En effet, si la vie, le besoin et le langage sont représentés par la fonction, le conflit et la signification, cela se fait sous une forme qui peut être parfaitement inconsciente.[10] Mais puisque la représentation est un phénomène empirique qui se produit en l'homme elle est à la fois un objet pour les sciences humaines et leur condition de possibilité. [...]
[...] Le dixième et dernier chapitre de l'essai Les mots et les choses applique l'analyse de type généalogique à l'ensemble de discours que constituent les sciences humaines. Selon les principes de discontinuité, de spécificité et d'extériorité, Foucault analyse la norme spécifique des sciences humaines, leurs conditions d'apparition, de croissance et de variation : ces principes exigent de traiter les discours comme des pratiques discontinues, de concevoir le discours comme une violence que nous faisons aux choses et, surtout, d'aller à partir du discours lui-même vers ses conditions externes de possibilité. [...]
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