Pris individuellement, chacun des êtres humains composant une société est lui-même dans l'état de grossièreté naturelle que l'on peut observer chez l'enfant sauvage. La culture semble donc à la fois nécessaire pour l'homme, et en même temps impossible à réaliser. C'est pourquoi Kant, dans un extrait de la deuxième partie de son "Anthropologie au point de vue pragmatique", souligne à la fois le caractère indispensable de la vie en société et ses insuffisances. Quel rôle joue donc la société dans la vie humaine ? Pourquoi peut-on dire que la culture doit réprimer la nature en l'homme ? L'homme parvient-il pour autant à se moraliser ?
[...] On observe ainsi une gradation du premier au dernier terme: l'homme commence par se cultiver grâce à la société (dans le domaine de l'art puis des sciences) ; puis ses manières deviennent plus raffinées, il se civilise; enfin il intériorise ces bonnes manières et se moralise. Notons que ce dernier stade reste très hypothétique, bien que le plus essentiel, comme le dit Kant dans la Septième Proposition de l'Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique: Nous sommes cultivés au plus haut degré par l'art et par la science. Nous sommes civilisés, jusqu'à en être accablés, par la politesse et les bienséances sociales de toute sorte. [...]
[...] Nature et culture, passivité et activité] Même si l'homme se cultive, il reste en lui une nature qui le pousse par un penchant animal à refuser l'action de la culture. Ainsi, par exemple, l'homme civilisé peut présenter tous les aspects de la culture, mais en restant intérieurement un être naturel. La culture est donc une lutte dynamique contre l'élément naturel en l'homme. Mais en quoi consiste-t-il? L'homme recherche naturellement le confort et le bien-vivre c'est- à-dire qu'il est spontanément paresseux et en quête du bonheur. [...]
[...] Ce point est bien mis en relief par Kant dans la sixième proposition de l'Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique: l'homme est un animal qui, lorsqu'il vit parmi d'autres membres de son espèce, a besoin d'un maitre. Car il abuse à coup sûr de sa liberté à l'égard de ses semblables; et quoiqu'en tant que créature raisonnable il souhaite une loi qui pose les limites de la liberté de tous, son inclination animale égoïste l'entraîne cependant à faire exception pour lui-même quand il le peut. [...]
[...] En outre, Kant reconnaît également la possibilité pour l'éducation d'être néfaste, ou du moins insuffisante. [2. Le cercle de l'éducation] En effet, l'éducation de l'homme est elle-même assurée par un homme. Mais aucun homme ne naît cultivé, civilisé ou moralisé: tous les hommes naissent dans la grossièreté de la nature et aucun n'est capable de s'imposer une contrainte tout seul pour s'éduquer. L'éducation est toujours faite par autrui. Il y a donc alors une véritable régression à l'infini: l'homme est un être qui a besoin d'un éducateur; mais cet éducateur est un homme; donc il a lui-même besoin d'un éducateur, qui est aussi un homme, etc. [...]
[...] La philosophie de l'homme de Kant semble donc assez pessimiste. Pourtant, il n'en est pas ainsi si l'on distingue ce qu'est l'homme réel de l'idéal qu'il doit malgré tout se proposer: la destination de l'homme ne pourra certes jamais être totalement accomplie, mais rien n'interdit cependant de se la fixer pour but et pour horizon, même si celui-ci ne peut, par définition, jamais être atteint. La réalité des rapports humains ne doit donc en aucun cas nous faire désespérer de notre destination, qui reste de toute façon à faire et dont la réalisation reste entre nos mains. [...]
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