Texte qui a deux fonctions : fédérer et provoquer. Breton fédère un certain nombre de personnes autour de quelques idées qui correspondent à une conception générale du monde : c'est le fondement d'une école littéraire. Les grandes écoles préexistantes ont été l'humanisme, le classicisme, le romantisme et le symbolisme. Le surréalisme est une école, un assemblage d'individus qui se fédèrent dans un mouvement dont le manifeste du surréalisme sera l'exposé des idées et des revendications principales. Il s'agit de renouveler une conception du monde, qui consiste à libérer les forces de la vie et de l'imagination. Le manifeste a aussi une dimension provocatrice : il s'oppose aux conceptions du monde précédentes et critique un certain nombre d'écrivains comme Anatole France, couvert d'honneur par l'Académie. Ils réfutent les esthétiques et les genres en vogue précédemment.
[...] La vie, c'est le spectacle de l'asservissement progressif de l'imagination au règne de la nécessité pratique, le triomphe du réel et de ses contraintes sur les possibles et leur liberté. La première phrase parodie le proverbe tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse - Il nous propose un modèle non pas anthropologique, mais psychologique en faisant un état des lieux de la psyché humaine. Pour Breton, l'homme est un esprit jeté dans la matière. C'est une des explications possibles de la première phrase. [...]
[...] Mais le contenu de cet esprit humain qui devrait privilégier le rêve et les images, Breton ne les définit que sur le mode de la connivence : il ne fait qu'évoquer ce que seraient possiblement les contenus des images et des aspirations d'un homme complet qui aurait laissé sa part imaginative se développer. Image des enfants qui dans la forêt peuvent aller vers toutes les aventures possibles. C'est un imaginaire de conte, qui développe l'imagination (Petit Poucet, Cosette : les possibles, même effrayants, se déploient dans l'univers de l'enfance). L'esprit se trompe lorsqu'il se tourne vers l'idée de la connaissance et la maîtrise du monde et de soi. L'homme surréaliste de Breton est l'exact contraire de l'homme de Corneille. [...]
[...] Non : Breton pense à un rapport dialectique entre réel et surréel. Je crois à la résolution future de ces deux états, en apparence si contradictoires, que sont le rêve et la réalité, en une sorte de réalité absolue, de surréalité, si l'on peut dire. La surréalité n'est pas une négation de la réalité au profit du rêve, mais comme approfondissement de l'état de veille par la redécouverte de l'état second de l'imagination. Il s'agit d'une libération de la vie, redonner à l'homme sa croyance en la vie. [...]
[...] Cette théorie s'oppose à l'arbitraire du signe. Dans la Bible, mythe de Babel : un temps où les mots étaient univoques et où tous les hommes parlaient la même langue. Ils ont donc pu se comprendre pour monter un projet marqué par la démesure : construire une tour pour rejoindre Dieu, qui foudroie la tour Babel. Il envoie par ailleurs aux hommes la malédiction des langues : pour couper le mal à la racine, il décide qu'il faut empêcher les hommes de pouvoir concevoir l'idée d'une nouvelle tour en faisant en sorte qu'ils ne se comprennent plus. [...]
[...] Plus le rapport est lointain, plus il est intéressant. Nous sommes aux antipodes de la fonction de communication. Il s'agit d'une dimension qui est celle du langage poétique. L'image a toujours été associée au langage poétique. Les images ont été parfois codées jusqu'au cliché. Avec les surréalistes, l'image a comme seule nécessité d'être la plus étonnante possible. Achille au pied léger l'aurore aux doigts de rose : épithètes homériques qui sont une image surprenante à l'origine, mais qui a disparu. [...]
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