KUHN, T., "La structure des révolutions scientifiques", Paris, Flammarion, 2nde éd., 1970
RORTY, R., "Contingence, ironie et solidarité", Paris, Armand Colin, 1989
Les deux livres traitent de sujets, a priori, très différents. L'un, écrit par un épistémologue et historien des sciences, propose une histoire nouvelle du « progrès scientifique », niant le caractère cumulatif de la recherche scientifique, l'autre, écrit par un philosophe et professeur de littérature, dénonce les obsessions erronées de la métaphysique dans la recherche de la « Vérité » dans le but de dresser le portrait d'un « ironiste libéral ». L'un, publié en 1962, est devenu une référence mondiale incontestable – véritable best-seller académique–, l'autre, publié en 1989, aujourd'hui disparu des librairies françaises, demeure plus discret et s'inscrit largement dans la tradition philosophique américaine – pragmatiste et littéraire. Deux ouvrages, donc, de domaines et d'envergures assez différents, qui, néanmoins, portent un même regard sur les fondements de leurs disciplines respectives. Les deux auteurs proposent des nouveaux outils de compréhension et formulent une critique radicale de leurs prédécesseurs. Certes Rorty, plus philosophique, suggère des « solutions » à caractère éthique et politique, tandis que Kuhn, plus historique, fait une relecture du développement scientifique, mais tous deux participent à une redescription du savoir à l'aide d'une conceptualisation rigoureuse centrée sur le langage. C'est à l'aune du vocabulaire, lorsque l'on se met à « parler newtonien », ou à « parler ironiste », lorsque le discours se transforme via une série de contingences historiques, que les révolutions scientifiques ou le « retournement général contre la théorie au profit de la narration » peuvent avoir lieu.
[...] Analyse comparée : Kuhn et Rorty KUHN, T., La structure des révolutions scientifiques, Paris, Flammarion, 2nde éd RORTY, R., Contingence, ironie et solidarité, Paris, Armand Colin Les deux livres traitent de sujets, a priori, très différents. L'un, écrit par un épistémologue et historien des sciences, propose une histoire nouvelle du progrès scientifique niant le caractère cumulatif de la recherche scientifique, l'autre, écrit par un philosophe et professeur de littérature, dénonce les obsessions erronées de la métaphysique dans la recherche de la Vérité dans le but de dresser le portrait d'un ironiste libéral L'un, publié en 1962, est devenu une référence mondiale incontestable véritable best-seller académique–, l'autre, publié en 1989, aujourd'hui disparu des librairies françaises, demeure plus discret et s'inscrit largement dans la tradition philosophique américaine pragmatiste et littéraire. [...]
[...] Il en tire également une définition du lien social comme simple reconnaissance d'une commune susceptibilité à l'humiliation Débarrassé de toute Humanité inscrite en chacun de nous, d'universalisme laïque ou chrétien, l'animal politique rortyen, ironiste et libéral, ne se définit que par la peur de se montrer cruel et le refus pour lui comme pour autrui de l'humiliation et de la douleur. Sa volonté d'abandonner la métaphysique traditionnelle implique donc de nouvelles définitions, illustrées par une certaine tradition littéraire qui, justement, met en évidence l'humiliation et la cruauté. Donc, une littérature pour l'utopie libérale et solidaire, qui doit être associée à une philosophie redescriptive : nous avons évoqué Nietzsche et Freud, il faudrait ajouter Hegel, Heidegger, Foucault, Derrida. Rorty développe pour chacun des problématiques particulières qui en font toujours des ironistes, mais pas forcément des libéraux. [...]
[...] Dans la droite ligne de Kuhn, Rorty écrit : [les] grands hommes de sciences inventent des descriptions du monde qui sont utiles à des fins de description et de maîtrise des événements, de même que poètes et penseurs politiques inventent d'autres description à d'autres fins Il s'agit pour les scientifiques comme pour les poètes ou philosophes de faire la vérité et non pas de la trouver, car elle n'est trouvable nulle part. On peut résumer son raisonnement en un syllogisme : puisque la vérité est d'essence linguistique, et que le langage est création humaine, alors la vérité est une création humaine. Ce renversement des Lumières implique alors une revalorisation de l'imagination contre la raison positive. En effet, de même que Kuhn voyait dans le changement de paradigme une révolution scientifique, Rorty considère le changement de vocabulaire comme une révolution philosophique. [...]
[...] Ainsi de Foucault, qui effectivement se méfie du libéralisme, car il apporte plus de contraintes qu'il ne réduit la souffrance. Rorty lui répond que seule la société libérale contient les institutions de son amélioration. En somme sa perfectibilité compense les dangers perçus par Foucault.[19] Il est inutile de résumer les propos de Rorty concernant chaque figure philosophique qu'il fait se confronter avec son ironisme libéral, mais rappelons ce qu'il précise à propos de Jacques Derrida donc j'utilisais les concepts de déconstruction et d'événement ce qui arrive en introduction. [...]
[...] Je vais ainsi tenter, dans un premier temps, de montrer comment le paradigme kuhnien et le vocabulaire rortyen peuvent être compris ensemble, comme processus de déconstruction, appelant au changement et à la redescription, comme quelque chose qui arrive à la fois événement et avènement et Puis il faudra voir les limites de cette équivalence et Je me concentrerai ensuite sur Rorty pour comprendre la subjectivation de la création de vocabulaire les hypothèses politiques et morales qui en découlent et pour enfin envisager une filiation entre Derrida et Rorty via la déconstruction et la métaphore Kuhn propose dès les premières pages de son ouvrage une définition des paradigmes : les découvertes scientifiques universellement reconnues qui, pour un temps, fournissent à une communauté de chercheurs des problèmes types et des solutions Ces découvertes contiennent à la fois une théorie nouvelle et un processus expérimental, qui permettent de remplacer le paradigme précédent. Ici, l'incise pour un temps présente le plus d'intérêt : Kuhn démontre que chaque paradigme représente un moment de la recherche scientifique, une base nouvelle faite de croyances et de convictions, historiquement située. Ainsi la révolution scientifique représente le passage d'un paradigme à un autre. Kuhn pose donc comme préalable, la relativité absolue des découvertes découvertes qui nécessitent à la fois de voir (observation) et de comprendre (conceptualisation). [...]
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