Le texte d'Alain ne manquera pas d'inquiéter qui le lira avec attention. Il insiste, en effet, sur le rôle nécessaire de la commémoration dans les sociétés : pas de société sans commémoration, c'est-à-dire sans le souvenir commun des ancêtres et des grandes dates du passé. Cela ne nous étonne guère car la culture est faite de mémoire et le rappel en commun de cette mémoire ne peut que raffermir le lien humain. Cependant, une difficulté va naître de l'insistance avec laquelle Alain repère le fait de la commémoration en toute chose. Veut-il dire que l'Homme et les oeuvres où il se découvre sont toujours tournés vers le passé, même sans qu'il le sache ? Mais si cela est vrai, comment pouvons-nous penser l'histoire d'une société qui se construit aussi sur ses oublis, ses révoltes, ses refus du passé et ses ruptures qui font les accidents de son devenir ? Autrement dit, si nous reconnaissons qu'il fait un « culte » pour que l'Homme soit Homme, ne risquons-nous pas de négliger l'importance que toute société accorde à son avenir ? Si nous définissons le lien social par le passé, nous risquons de marquer la façon dont la société invente sans cesse de nouvelles formes, à moins de penser que ces nouveautés ne seraient que des reprises du passé (...)
[...] Le lien social qui nous unit durant la commémoration nous rend moins fragiles face au devenir. Revivre, c'est donc refuser la mort et interrompre symboliquement le cours du temps. Que vaut cette prise de conscience qui nous ferait croire en une victoire sur le temps ? Alain définit alors la commémoration en précisant qu'il s'agit pour nous de nous conformer à ce passé de grandeur. Aussi, commémorer sera davantage le rappel d'une règle, d'une loi ou d'un principe plus qu'un individu, un évènement ou une date. [...]
[...] Après avoir rappelé que la société humaine n'est pas comparable à la communauté animale, qui est sans mémoire, sans histoire, sans questions, comme l'instinct est sans questions, il définit la commémoration en soulignant ses caractéristiques. Il ne s'agit pas seulement de se souvenir ; l'auteur indique qu'il faut surtout revivre : commémorer, c'est rappeler en commun un souvenir au point de retrouver le passé. En commémorant, les membres de la société retrouvent leur passé et par là se retrouvent ensemble. Ils consolident leurs fondations et prennent conscience des thèmes essentiels autour desquels ils se sont rassemblés. [...]
[...] Ne nous berçons-nous pas d'illusions ? Commémorer ne revient pas à s'interroger sur ce qui s'est vraiment passé, mais sur le lien qui unit symboliquement le passé au présent. Le risque est de transformer la nécessaire commémoration en un fantasme du passé, en une mystification par laquelle le présent serait prisonnier d'un passé qui ne passe pas. Contre cette possible déviance il existe le vaccin qui consiste à équilibrer ce qui relève de la mémoire avec l'exigence de la vérité. [...]
[...] Il insiste, en effet, sur le rôle nécessaire de la commémoration dans les sociétés : pas de société sans commémoration, c'est-à-dire sans le souvenir commun des ancêtres et des grandes dates du passé. Cela ne nous étonne guère car la culture est faite de mémoire et le rappel en commun de cette mémoire ne peut que raffermir le lien humain. Cependant, une difficulté va naître de l'insistance avec laquelle Alain repère le fait de la commémoration en toute chose. Veut-il dire que l'Homme et les œuvres où il se découvre sont toujours tournés vers le passé, même sans qu'il le sache ? [...]
[...] Alain nous révèle aussi l'emprise trouve du lien social : comment penser la liberté humaine sans ce lien, elle suppose l'ouverture à l'avenir et à la capacité de créer de la nouveauté ; le lien social semble entièrement fondé sur notre peur de la dispersion. Alain imagine des hommes sans mémoire plongés dans l'oubli. Ne demeure qu'une chose : la crainte, la garde du camp, l'affolement qui témoigne de l'extrême précarité de la société humaine. Alain retrouve ce que certains philosophes appellent l' état de nature ; il nous le montre comme une menace qui affecte notre présent et surtout notre avenir. Contre cette peur faut-il que la société ne se tourne que vers son passé ? [...]
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