Commentaire d'un extrait de texte de l'ouvrage du philosophe Alain Propos sur le bonheur : "Il est bon d'avoir un peu de mal à vivre".
[...] Pas de bonheur sur cette route tellement sûre qu'on sait d'avance où elle mènera. Mon bonheur dépend de la direction que je lui aurait fait prendre. C'est cet imprévu et ce sens de la surprise - dont je ne peux jamais savoir si elle sera bonne ou mauvaise - qui manque aux rois, aux princes, c'est-à-dire à quiconque n'a qu'à désirer Celui qui n'a qu'à lever le doigt pour que son moindre désir soit exaucé (le riche oisif, le maître qui jouit du travail de l'esclave, le prince élevé dans l'habitude de se voir satisfait immédiatement, par exemple) ne peut pas être heureux. [...]
[...] C'est ce que montre l'exemple de la musique : on aime mieux en faire que l'entendre Même imparfaitement, jouer de la musique, vouloir mieux posséder la technique de son instrument, s'entraîner à toujours mieux interpréter l'évanouissante musicalité d'une pièce qu'on maîtrise un peu plus chaque jour, vaut mieux que, passivement, mettre un disque, en pensant ah, si moi aussi je jouais du piano Là encore, le bonheur se découvre dans la difficulté. Il y a plus de bonheur, explique Alain, dans le difficile et peutêtre maladroit apprentissage du piano, que dans le fait de rêver en jouer parfaitement bien. [...]
[...] Mais, explique Alain, ce souhait, ce fantasme recèle une dangereuse illusion. Tout avoir nous rendrait triste, mais c'est ce que nous ne nous disons que rarement : nous souhaitons tous la facilité, l'opulence, la possibilité de ne jamais vivre le manque. Mais ce souhait, ce fantasme bien fréquent, et comme spontané, conduira vers un état neurasthénique dit Alain. C'est-à-dire que s'il se réalisait, il me laisserait radicalement désœuvré, sans but, triste en définitive, car sans possibilité de courir à l'aventure. [...]
[...] De même pour l'inquiétude ou la passion : elle sont ici les modalités de notre éveil. Pourquoi être un veilleur ? Pour ne pas s'arrêter aux biens réels mais continuer de vouloir ceux qu'on n'a pas encore. Si bien que l'imagination a ici une importance étonnante : au lieu de n'être que la source d'un bonheur imaginaire, elle nous permet d'inventer de nouvelles pistes, de courir de nouvelles aventures : l'imagination, dans ce texte, c'est la faculté de ne pas devenir neurasthénique c'est ce qui me met en mouvement : je quête ce que je n'ai pas et que je m'imagine avoir (en ne m'arrêtant pas aux biens réels »que j'ai). [...]
[...] Etre heureux, loin de nous emmener à l'écart de toute inquiétude, c'est se frotter à cette enivrante souffrance de la peine et du difficile. C'est énergiquement accepter de rencontrer nos manques, pour mieux les combattre. [...]
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