Analyse philosophique des "Ménines" de Vélasquez autour d'un thème : la ponctuation

Résumé du document

Ce célèbre tableau peint en 1656, est présenté actuellement au musée du Prado à Madrid. Il s'agit d'une huile sur toile de 3m18 sur 2m76, au départ nommée La famille de Philippe IV. Cette peinture nommée aujourd'hui Les Ménines est parmi les plus énigmatiques de l'histoire de l'art et elle a provoqué de nombreuses interprétations. Celles-ci constituent l'émerveillement de tous pour la remarquable maîtrise, par Vélasquez, de la perspective et de la géométrie, illustrée dans cette toile par une structure spatiale étonnante. C'est à ce premier travail que nous allons nous attacher : l'étude des lignes et des points, de la construction du tableau, de son réseau d'espace qui constitue la ponctuation dans cette image. Puis dans un second temps, par delà le tableau, nous chercherons les interprétations, la narration picturale, la ponctuation de l'image qui interroge le lien entre réalité et illusion car cette toile, dans sa mise en scène, reste mystérieuse, entre métaphore et mise en abyme (...)

Extraits

[...] Palomino, à qui on doit les plus anciens renseignements sur l'œuvre, écrit ainsi ceci On ne trouve pas de mots assez élogieux pour célébrer le goût et l'habileté de cette œuvre ; car elle est la vérité, non de la peinture. C'est peut être pour ces raisons que cette toile est sujet à autant de débat. Mais on peut se demander si ce n'est pas là une caractéristique d'une œuvre d'art que de permettre de si nombreuses interprétations. En outre, Les Ménines nous a permis de mener une double réflexion sur la ponctuation dans l'image et de l'image car elle permet de penser que l'image, le tableau est en soi quelque chose de ponctuée et quelque chose à ponctuer par le regard. [...]

[...] C'est une vaste pièce avec plusieurs fenêtres sur le mur droit, dont deux seulement laissent entrer la lumière extérieure et entre lesquelles sont accrochés des tableaux. Au fond du tableau, une porte entrouverte donne accès à un escalier où se tient, en contre jour, un homme vêtu de noir. Il porte une cape et un chapeau à la main, tandis que l'autre semble écarter une tenture. A côté de la porte, un miroir rectangulaire au large cadre noir est accroché au mur du fond. On peut y voir le reflet d'un couple dont nous n'apercevons que le buste. [...]

[...] Les Ménines sont donc pleines d'énigmes, à la fois très simples du moins en apparence, mais aussi d'une complexité inimaginable quant on l'étudie d'avantage. Ainsi, par-delà le contenu du tableau, on peut s'interroger sur l'objet exact de cette œuvre et y voir une métaphore édifiante, une mise en scène ou une mise en image à vocation épistémologique, de l'acte même de représentation. En effet, le tableau de Vélasquez trouve sa signification autant dans ce qu'il donne à voir que dans ce qu'il met en scène sa propre représentation. [...]

[...] Mais, dans un second temps, s'impose à lui une zone de moindre clarté ou de moindre luminosité dans la représentation : cette zone est occupée par un miroir, dans lequel le spectateur discerne des reflets mais des reflets brouillés renvoyant l'image d'un couple, et évoquant un tableau de cour qui aurait exposé le couple royal lui-même. La question qui se pose à lui s'éclaire alors : où se trouvent donc les originaux de ce reflet ? Où se trouve ce couple qu'il est impossible de distinguer sur la toile ? Quel lien existe-il entre ce reflet et cette scène étrange d'interpellation par laquelle les personnages du tableau semblent se présenter eux-mêmes aux regards ? [...]

[...] Il semblerait que ce soient des copies de l'œuvre de Rubens représentant des métamorphoses d'Ovide dont La Fable de Pallas et Arachné et Apollon et Pan. Ainsi, les personnages, le décor et la luminosité de cette œuvre forment sa ponctuation. Les descriptions précédentes nous conduisent maintenant à analyser le tableau dans ses étapes narratives, pour tenter de l'interpréter et de mieux comprendre toutes les significations. La première remarque qui s'impose est la manière dont tous les personnages du tableau sont tournés vers le spectateur comme s'ils s'adressaient à lui et lui posaient une question. [...]