Art, âge moderne, J.-M. Schaeffer, philosophie, littérature, esthétique, histoire des idées, prolégomènes, Kant, laïcisation, philosophie européenne, cartographie, oeuvre, Jean Lacoste, théologie, jugement de goût, romantisme, théorie romantique de l'Art, imagination, utopie, changement technique, architecture
« Dans L'Art de l'âge moderne, J.-M. Schaeffer s'est attaché, non sans pertinence, ni, aussi, jugements très discutables, à montrer ce qu'il estime être les errements et les apories de la philosophie de l'art, en tant qu'elle serait l'annexe d'une systématicité (philosophique) présumée radicalement extrinsèque de l'art ». C'est ainsi que Vincent Charbonnier, docteur en philosophie et enseignant-chercheur à l'université de Nantes, résume la thèse portée par Jean-Marie Schaeffer dans son ouvrage L'Art de l'âge moderne. L'esthétique et la philosophie de l'art du XVIIIe siècle à nos jours publié aux éditions Gallimard, dans la collection des essais de la N.R.F., en 1992. Fort d'une formation approfondie en philosophie de l'art et en esthétique, Jean-Marie Schaeffer est en effet spécialiste de la théorie des arts, aux croisements de la philosophie analytique (particulièrement inspirée par les « décantages » sémiologiques d'un Wittgenstein ou d'une Quine) et de l'histoire des idées.
[...] L'art de l'âge moderne - J.-M. Schaeffer (1992) - Dans quelle mesure J.-M. Schaeffer procède-t-il à la généalogie, à l'étiologie, à l'historicisation de la crise du discours de légitimation des arts ? « Dans L'Art de l'âge moderne, J.-M. Schaeffer s'est attaché, non sans pertinence, ni, aussi, jugements très discutables, à montrer ce qu'il estime être les errements et les apories de la philosophie de l'art, en tant qu'elle serait l'annexe d'une systématicité (philosophique) présumée radicalement extrinsèque de l'art ». [...]
[...] Schaeffer, pour rendre compte de l'esthétique en tant qu'esthétique, et non comme fonction annexe d'une visée philosophique ou d'un projet discursif sur le monde. La romantisation de l'esthétique comme projet contre-kantien Jean-Marie Schaeffer n'hésite pas à restituer la puissance du tournant majeur, dans l'histoire des idées occidentales, que représente l'évolution de l'esthétique par sa « romantisation » : « Lorsqu'on passe de l'esthétique kantienne à l'esthétique romantique, on a des difficultés pour accommoder son regard : c'est qu'on change complètement d'univers » (page 87). [...]
[...] Schaeffer, l'esthétique est finalement désubstantialisée pour ce qu'elle est : « Au-dessus de la sphère artistique se situe la pensée philosophique, la réalité la plus vraie » selon Hegel (page 185). Les discontinuités opérées dans la filiation troublée du romantisme allemand, notamment sous Schopenhauer et Nietzsche (« On pourrait objecter que ces conceptions schopenhaueriennes et nietzschéennes, si elles sont certes en rupture avec l'idéalisme, semblent cependant reprendre une idée centrale du romantisme : il s'agit de l'irréductibilité de la vie aux logos philosophique », page 233), conduisent finalement à éclater l'art : « Que l'Art soit conçu comme expérience vitale (chez Schopenhauer et Nietzsche) ou comme investigation pensante de la question de l'Être (chez Heidegger), dans les deux cas la méditation critique d'œuvres exemplaires remplacera l'étude extensive des formes d'art et de leur histoire dans sa fonction de support des thèses spéculatives » (pages 233-234). [...]
[...] Schaeffer procède-t-il effectivement à la généalogie, à l'étiologie, à l'historicisation de cette crise du discours de légitimation des arts - laquelle crise se réfracte dans les débats contemporains sur les diverses formes que peut prendre « l'art contemporain » ? Le présent commentaire s'attachera à retracer, dans un premier mouvement, les informations délivrées par une esthétique kantienne qui, « paradoxalement » ainsi que l'avance l'auteur dans une ère de crise de la légitimité du discours sur l'art, resurgit avec d'autant plus de vigueur que les canons analytiques d'observation et de description esthétiques ont été peu à peu méprisés au profit d'une étude « profonde » qui ne reflète pas l'exhaustivité d'une réflexion précise et claire sur l'œuvre-objet d'étude Le second mouvement du commentaire s'appesantira, quant à lui, sur la « romantisation » de l'esthétique, élevée, fondamentalement, par la contestation qu'elle porte en germe du mouvement de laïcisation enclenchée par les Aufklärung - et dont Kant est un représentant emblématique. [...]
[...] Conservation et renversement du projet kantien de « l'enquête sur le statut et la légitimité du jugement de goût » Jean-Marie Schaeffer n'exceptionnalise pas la situation kantienne dans la philosophie de son temps : précisant que le projet kantien de l'enquête sur le statut et la légitimité du jugement de goût n'est pas « un trait qui serait propre à Kant : A. Baeumler [ayant] montré que la notion essentielle de l'esthétique au XVIII[e] siècle est la notion de goût » (pages 27-28), l'esthétique kantienne pousse plus loin encore la réflexion jusqu'à consacrer non « pas une théorie de l'art, mais une anthropologie de l'expérience esthétique et une analyse transcendante du jugement qui traduit cette expérience dans le monde discursif » (page 28). [...]
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