Pouvons nous par le langage avoir accès à la réalité des choses extérieures, les connaître ainsi qu'avoir accès à son intériorité ? Le langage est-il ce qui permet de révéler et de me révéler mon être propre ou bien est-il ce qui l'occulte, ce qui loin de me permettre d'accéder à la connaissance des choses et de mon intériorité, il est ce qui me les fait perdre ? Selon l'auteur, la généralité du langage est ce qui m'empêche de voir le monde et mon intériorité. Leur singularité se dérobe à nous à cause du langage qui est incapable de les exprimer. C'est parce que l'Homme parle qu'il ne connaît réellement ni les choses ni sa personne. Le langage n'est pas révélateur mais dissimulateur.
Première partie.
Bergson affirme d'emblée quelque chose de paradoxal. En effet, contre toute évidence, il affirme que la chose n'est pas vue quand on croit la voir. On croit voir le monde, les choses extérieures puisqu'on les a nommées. En fait, elles ne sont pas vues. Bergson nous révèle le principe de leur vision, à savoir qu'elle est partielle et non pas totale. Que voit-on ? Des étiquettes. On ne voit de la chose que son étiquette, c'est-à-dire ce qui la marque et la classe dans une catégorie. On ne voit pas la chose dans sa totalité mais seulement ce qui la caractérise comme entrant dans une classe déterminée. D'où vient que l'on ne voit pas les choses mêmes ? D'où vient cette vision partielle? Il y a deux explications : le besoin et le langage. Pourquoi cette tendance vient du besoin ? Pourquoi le besoin raréfie-t-il ma vision des choses ? Le besoin d'une chose implique que l'on a à la chose un rapport intéressé. (...)
[...] Si la nomination était singulière, on ne se comprendrait pas. La nécessité d'une communication impose que les noms soient communs mais il faut encore ajouter que c'est la nécessité du langage commun. Notre cécité, notre découpage ne s'applique pas seulement aux choses extérieures qui se présentent à notre vision mais aussi à nos propres états d'âme. La généralité du mot n'est pas sans conséquence sur notre aptitude à percevoir ce qui fait notre individualité, notre personnalité. La généralité du signe remet en cause notre capacité à se connaître soi-même. [...]
[...] On n'accède à son intériorité que si on n'a plus accès au monde extérieur. Ce n'est pas un éloge plat de l'imagination, il s'agit avant tout de se désinvestir de l'activité pratique. On accède à son intériorité par le songe. Seule la pensée rêveuse, désintéressée, de l'action, peut rencontrer le réel. Seule une pensée désinvestie de tout intérêt pratique peut suivre le mouvement d'engendrement des choses, c'est-à-dire leur durée. La condition de possibilité du rêve, c'est la mobilité du signe. [...]
[...] Le Hommes sont radicalement distincts. Un Homme ne pourra exprimer quelque chose de son état d'âme, de ses souffrances, de ses joies, que ce par quoi il s'accord au concept du mot, par où il ne peut énoncer leur intensité. On exprime la parole : elle vient d'une volonté d'exprimer ses passions, de dire leur spécificité. Mais dans la parole, toute spécificité s'efface. En effet, dans la mesure où l'on dispose de mots communs, toute souffrance, toute joie s'affirme comme échangeable. [...]
[...] Exemple de la soif : ne pas faire attention à l'eau qu'on boit. L'objet lui-même n'est jamais vu pour lui- même. On ne regarde pas les choses en elles-mêmes. L'activité pratique, le travail, m'impose au contraire de ne voir de la chose que ce que l'on peut en faire puisqu'il s'agit de la transformer. Le langage. Cette réduction de la vision intéressée, en effet, on ne voit de la chose que ce qui répond à notre intérêt, s'est encore accentuée sous l'influence du langage. [...]
[...] La liberté qu'il y a dans la liberté du signe et dans l'invention technique rend possible un autre exercice de la pensée qui n'est plus soumis aux impératifs d'un intérêt pratique. Le fait d'épouser le mouvement selon lequel une chose se déplace indépendamment de tout intérêt qu'on éprouverait à la transformer est rendu possible par la mobilité du signe. La critique du langage que fait Bergson est complexe : d'un coté la langue nous empêche de voir la réalité même, on ne voit que le mot, que l'étiquette ; d'un autre coté, dans la mesure où nous employons un mot en plusieurs sens, il y a mobilité (ou liberté) du signifiant. [...]
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