L'unité de la science : fait, tâche, problème ? Dissertation de 6 pages en épistémologie des sciences sociales
Une confusion fréquente est liée au thème de l'opposition entre « la science » et « les sciences ». Si la pluralité des sciences est parfois utilisée pour défendre la pluralité des méthodes et ultimement celle des rationalités, l'unité de la matière, principe post-copernicien, qui est au soubassement de la science contemporaine, nous fait concevoir que les connaissances scientifiques s'enchaînent et dépendent les unes des autres. Il semble donc difficile de dépasser ce clivage entre une science unique et une pluralité des sciences. Doit-on se satisfaire d'un état de fait, d'un constat, aussi précis soit-il, de l'unité historique et empirique de la science au regard d'une universalité a priori des mathématiques ? Doit-on parler d'unification plus que d'unité ? L'unité de la science est-elle, en tant qu'idée, indépendante de toute autre conception totalisante ou simplement métaphysique ? Toutes ces questions portent sur le statut de la science elle-même, car la valeur du savoir scientifique, et par là sa légitimité en tant que savoir officiel, dépend pour beaucoup de l'homogénéité interne du « monde » scientifique. C'est pourquoi le recul du philosophe est nécessaire, aussi bien pour entretenir la prudence que pour solidifier l'édifice de la raison que représente la science. L'idée qu'il y a une science unique apparait sous divers aspect. Un aspect métaphysique, un aspect ontologique et un autre sociologique.
[...] L'unité est un horizon indéfiniment repoussée. C'est en ce sens que Oppenheim et Putnam présentent l'unité de la science non comme un fait mais comme une hypothèse de travail Il apparait comme une évidence que la science tend vers son unité, vers une totalisation de ses divers objets d'étude et cherche toujours la réduction des principes et des méthodes. Mais comme l'écrit Bachelard : cette unité, elle la trouverait bien vite, si elle pouvait s'y complaire. Tout à l'opposé, le progrès scientifique marque ses plus nettes étapes en abandonnant les facteurs philosophiques d'unification facile tels que l'unité d'action du Créateur, l'unité de plan de la nature, l'unité logique. [...]
[...] Pour l'un comme pour l'autre, l'unité de la nature et celle de la science se répondent. Il est significatif qu'en physique, même si le sens diffère, on puisse parler aussi bien de théorie unifiée du champ que de théorie du champ unifié. Redhead distingue si modalités d'identification scientifique : l'unité de méthode, l'unité de langage, l'unité réductrice, l'unité ontologique, l'unité structurale et l'unité interactive Les unités ontologiques et interactive concernent la réalité dont la science s'occupe, les autres concernent la science en tant que telle. [...]
[...] La science domine aujourd'hui sans partage le champ du savoir. Cette domination est le résultat du progrès ininterrompu des sciences qui, à partir d'une origine commune, dans l'Antiquité, avec la pensée philosophique, se sont progressivement émancipées de la tutelle philosophique, grâce à la généralisation sans limite de l'outil mathématique qui a permis d'imposer la physique mathématique comme paradigme universel. Mais ce progrès comporte un paradoxe : il est de plus en plus difficile de définir la science, du fait de son éclatement en multiples sciences particulières dédiées à des objets hétéroclites et incommensurables. [...]
[...] Les classiques ont su recentrer la théorie de la connaissance par l'élaboration du sujet pensant. Libre de raisonner juste ou faux, il appartient à celui-ci, et à lui seul (Descartes), par sa rigueur et sa mathématique, d'atteindre le vrai. Est vrai ce qui est objectivement nécessaire, ce qui ne peut être autrement et qui écarte de ce fait toute idée de possibilité d'une pluralité de réalités. L'unité de la science peut prendre diverses formes ; pour les philosophes, elle est soit la logicisation de la science, proposée par Rudolf Carnap, soit l'unification physicaliste des diverses sciences, proposée par Otto Neurath. [...]
[...] L'hypothèse est qu'il ne pourrait exister de théories élémentaires sans liens inter-théoriques. Toutes les sciences sont nées d'un double processus de différenciation et d'intégration. A partir d'une totalité syncrétique (par exemple celle qui pendant longtemps s'est appelée philosophie une discipline gagne son autonomie puis son indépendance. Mais ce mouvement de dispersion est compensé par un mouvement inverse d'unification ; chaque science comme tout se joignant par annexion à une science voisine ou bien établissant avec elle une alliance. L'unification commence donc par nier l'unité à laquelle elle tend. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture