Société, psychatrie, soin, contrainte, pouvoir capacitaire, non-consentement, moyen de guérison, internement forcé, normalisation, liberté individuelle, droit politique, erreur forte, milieu carcéral, violence, opposant politique, Marie-Rose Moro
La psychiatrie est un domaine complexe secoué par des questions complexes traitant de la normalisation de la société et de ses institutions. Elle marque le point de rencontre entre humanisme et politique en interrogeant sur les normes et la façon pour une société de s'institutionnaliser en tant qu'elle a la capacité d'être un espace d'émancipation sociale en favorisant le pouvoir capacitaire des individus, c'est-à-dire la capacité à chacun de créer et de modifier les institutions de sa société. Mais là est justement le paradoxe fort qui secoue toute la psychiatrie : la nécessité du soin des patients s'oppose au non-consentement de la personne.
[...] Tout d'abord, il convient d'observer la manière dont les internements forcés sont vécus par ceux qui sont concernés, et il apparaît que cet enfermement est perçu comme une condamnation laissant transparaître une impression d'impuissance dans la lutte, une angoisse constante face à une violence institutionnelle et une impression d'enfermement lié aux espaces clos qui va se ressentir même après la sortie d'enfermement. Et il n'est pas inintéressant de voir et de comprendre la similarité qu'il y a entre cette perception interne de l'internement et le ressenti qu'ont les détenus lors de leur incarcération, préférant laisser de côté la question de la normalisation de la violence dans le milieu carcéral, je tiens tout de même à l'interroger dans le milieu psychiatrique. [...]
[...] Et de la même manière cette politique de la peur comme nous pourrions l'appeler fait accepter que les hôpitaux doivent être un espace de soin de l'anormal, de ce qui n'a rien à faire dans la société. Alors quand le marginal, le "fou" ou l'individu minoritaire, en bref l'altérité de la norme, est placé dans un espace de soin, on considère idéologiquement qu'il est normal de le soumettre à cette violence institutionnelle. Ainsi, pour conclure, on peut observer que cette problématique de l'enfermement psychiatrique abusif est un problème beaucoup plus large que ce que l'on pourrait penser. [...]
[...] En réalité, cette thématique de l'enfermement psychiatrique est un sujet de société et pas seulement un sujet de niche interne à la médecine, son traitement et sa compréhension sont donc fortement lié aux normes de la société qui l'abrite. Ainsi, toute solution à ce problème de l'utilisation de la violence et de l'enfermement dans le milieu psychiatrique ne peut se baser sur les valeurs de la société, cela demande donc des solutions et des réflexions englobantes. [...]
[...] D'abord au travers de l'histoire, il convient de rappeler que pendant la majeur partie de son existence la psychiatrie avait une utilisation politique d'enfermement des opposants politique et des marginaux (qu'on pourrait désormais appeler des individus politiquement pathologiques) ainsi qu'un emploi total de la puissance des soignants sur les soignés (comprenez qu'ils étaient cobayes et étaient soumis par leurs soignants.). Et ce passé se traduit encore aujourd'hui au travers de cette pratique de l'enfermement sous contrainte, malgré la remise en cause de ce modèle lors de mai 68, le post-Mai 68 s'est traduit par un constant durcissement des institutions et des choix politiques ce qui semble avoir touché aussi les institutions psychiatriques qui semblent avoir régressés, au moins idéologiquement. [...]
[...] Sont-ils coupables d'être atteints d'une maladie psychiatrique ou plutôt sont-ils coupables d'être pathologiques ? Voilà, peut-être un axe d'explication de cette violence : Les patients sont hors de la normalité, ils sont pathologiques. Mais en nous appuyant sur Georges Canguilhem dans son œuvre « le normal et le pathologique », on peut voir que le concept de santé ou de sain est certes descriptif puisqu'il est une certaine disposition et réaction d'un organisme individuel à l'égard des maladies possibles, mais aussi normatif, car la référence à la bonne santé est une valeur et non un fait, et cela, conduit à qualifier un état de pathologique ou de normal selon des critères de société. [...]
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