Cet article, Who wrote the Book of Life ? Information and the Transformation of Molecular Biology, est paru en 1995 dans la revue Science in context. Lily E. Kay est une biologiste moléculaire née à Cracovie en 1947 et morte en 2000 aux Etats-Unis. Elle complétera cette formation scientifique avec des études d'histoire des sciences et deviendra professeur au MIT de 1989 à 1997. Ses centres d'intérêt tournaient autour de la biologie moléculaire, bien évidemment, et, dans ses dernières années, sur le thème de l'intelligence artificielle (travaillait sur Warren Mc Culloch, neurologiste au MIT). Il faut signaler qu'elle a notamment écrit un ouvrage qui porte le même titre que ce texte : « Who wrote the book of life ? ».
Dans cet article, Lily E. Kay revient sur un épisode particulier de l'histoire de la biologie moléculaire. Nous pouvons rappeler brièvement que la génétique naît avec la redécouverte des lois de Mendel en 1900. Le terme génétique sera inventé par Bateson en 1906 et le mot gène 3 années plus tard. Un tournant majeur dans l'histoire de cette jeune science se produit dans les années 40-50. Lily Kay veut justement démontrer que durant ces années, le discours produit sur cette science a pu se construire sur des représentations précises de l'idée de la vie et de l'hérédité. En effet, les notions d'écriture et de livre de la vie, de déchiffrage d'un code s'apparentent à des métaphores dépendant d'un contexte historique précis.
[...] Selon Lily Kay, ces métaphores symbolisent en quelque sorte des clés sémiologiques qui ont servi à la formulation du code génétique. Évidemment, des mots tels que livre, texte, code étaient déjà utilisés de manière figurative dans la biologie avant le milieu des années 40[2] bien que celle-ci n'incluait aucune référence à l'information et au langage. Ce ne sera qu'avec la cybernétique qu'ils gagnent une autorité et un statut scientifiques. Cette discipline repose tout d'abord sur les premiers systèmes informatiques qui naissent au sortir de la guerre pour stocker des informations, en premier lieu et pour déchiffrer les codes secrets ennemis, en second lieu. [...]
[...] Avec cette théorie, et je reprends les mots de F. Jacob, l'hérédité devient le transfert d'un message répété d'une génération à la suivante. Pour que s'institutionnalise la cybernétique, des échanges entre mathématiciens et biologistes eurent lieu. Von Neumann participa à un projet biomédical et Norbert Wiener, qui fit paraître en 1949 son ouvrage phare, Cybernetics : or control and communication in the animal and the machine, déclara qu'il n'y pas de différence absolue entre le type de transmission que nous utilisons pour envoyer un télégramme et le type de transmission qui est théoriquement possible pour un organisme vivant, tel qu'un être humain. [...]
[...] Mais, cette théorie de l'information peut s'étendre aux êtres vivants. F. Jacob, dans La logique du vivant, écrit que Dans un système organisé, qu'il soit ou non vivant, ce sont les échanges non seulement de matière et d'énergie mais d'information qui unissent les éléments. Entité abstraite, l'information devient le lieu où s'articulent les différents types d'ordre. Elle en est tout à la fois ce qui se mesure, ce qui se transmet, ce qui se transforme. Toute interaction entre les membres d'un organisme peut être considérée comme un problème de communication. [...]
[...] Celui-ci jouera un grand rôle dans l'effort de penser l'information en biologie. Enfin, un physicien, George Gamow, a également écrit que la continuité de toute vie sur notre planète dépend du système d'information contenu dans la cellule. D'un point de vue technique, Lily Kay souligne que ces métaphores ont été un échec. En effet, les messages contenus dans les gènes n'étaient ni numériques, ni électriques. Cependant, et malgré cet échec technique, ces métaphores ont survécu au niveau discursif. Dans cet article, Lily Kay ne cherchait pas à faire commencer la généalogie de la biologie moléculaire à Shannon, Von Neumann et Wiener, ni à trouver des pères fondateurs alternatifs en biologie moléculaire. [...]
[...] Celle-ci porte sur la structure des représentations, des entités, des processus. Mais, dans la tradition occidentale, le langage précède l'écriture et la dénie, le premier étant conçu comme vie et présence sur la seconde, considérée comme plus matérielle. Pour J. Derrida, cette prégnance du langage illustre ce qu'il appelle le logocentrisme. Il cherche, par un processus qu'il nomme déconstruction, à renverser cette conception qui transforme le langage en un système de signes représentant des idées qui sont supposées prendre corps dans le monde objectif, indépendamment des interventions et des inventions humaines. [...]
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