Jean-Louis Missika, directeur d'une société de conseil en stratégie et professeur de communication politique à Sciences-Po Paris et coauteur de deux ouvrages sur la télévision dont le dernier "La fin de la télévision", s'attarde ici sur la disparition de la celle-ci en tant que média. L'auteur donnée une définition de la télévision comme étant le « moyen de diffusion de contenus vidéo contrôlé par des sociétés publiques ou privées, titulaires de licences de diffusion délivrées par une autorité publique, achetant des droits de diffusion ou produisant des programmes en agençant ces programmes à destination d'un public défini ».
Il énonce ensuite une série de problématiques dont l'essentielle est la question de savoir comment notre société va-t-elle évoluer sans ce média historique qu'est la télévision. Jean-Louis Missika fonde toute son analyse sur trois dimensions différentes de la télévision qui correspondent à trois âges distincts. Il distingue la « paléotélévision », la « néo-télévision » et la « posttélévision ». Ce triptyque était celui utilisé par Umberto Eco dans son oeuvre La Guerre du faux.
[...] Les sujets ne sont plus strictement contrôlés comme sous la paléo-télévision, mais J.L. Missika évoque un basculement vers une télévision plus intime avec des sujets plus psychologiques intégrés aux talk-shows ou reality-shows. La télévision se veut la plus représentative possible des sentiments de ses téléspectateurs mais cette représentation est virtuelle d'où la constatation faite par l'auteur d'une coupure entre l'émetteur et le récepteur. Le public devient par conséquent volatile et pour le fidéliser, les chaînes vont miser sur l'aspect émotionnel. [...]
[...] Cette télévision a été qualifiée de télévision Pygmalion par l'auteur. Elle serait désormais un moyen de soutien de l'affirmation de soi. La formule pourrait aujourd'hui être : je suis, donc je passe à la télévision. Cette post-télévision s'attache à la représentation d'une vie parodiée, artificielle et se veut l'analyse d'un vivre ensemble très superficiel. Au travers de cet historique, nombre de paradoxes sont établis dont le plus important reste celui d'une néo-télévision qui souhaitait réparer le lien social et d'une post-télévision qui le met progressivement à mal. [...]
[...] Faut-il voir un parallèle entre le déclin de la télévision comme média d'information et la dépolitisation du public? Le journalisme est soumis à bon nombre de codes, de rituels, de rumeurs, de faux-semblants, etc. d'où l'expression aujourd'hui de parajournalisme. Le débat est désynchronisé comme le dit J.L. Missika. Cela signifie qu'aujourd'hui les individus ne désirent plus s'exposer aux opinions adverses. L'individualisme règne en même temps que l'ère de être soi- même Désormais, le refus du dialogue n'est plus honteux, il serait même un moyen d'affirmation de soi. [...]
[...] Elle a d'abord été conservatrice, représentative de l'autorité puis s'est acheminée vers un âge du débat télévisé, de la prise de parole, de l'expression de diverses opinions et s'est étendue au domaine littéraire et étatique. Le modèle américain d'une télévision commerciale a commencé à exercer son influence. Ainsi au milieu des années 1980, la télévision française comptait déjà six chaînes. Le marché télévisuel s'agrandissait pour permettre à une véritable loi de l'offre et de la demande d'opérer. Le deuxième âge de la télévision qui apparaît au milieu des années 1980 est celui de la néo-télévision terme d'Umberto Eco qualifié aussi de télévision missionnaire par J.L. [...]
[...] La post-télévision s'attache moins à fournir une information de qualité qu'à jouer la carte du registre compassionnel, mièvre au détriment de l'analyse et de l'interprétation. La télévision reste sous le joug du pouvoir, en témoigne sa capacité de dramatisation. En effet, la campagne présidentielle de 2002 illustre celle-ci avec des hausses de temps d'information sur l'insécurité impressionnante. La politique elle-même est devenue compassionnelle et édulcorée, c'est l'avènement de l'intimisation de la politique, de la peopolisation des hommes et femmes politiques. Aujourd'hui la télévision en tant que média ne rassemble plus, elle ne fédère plus du vivre-ensemble Seul l'évènement fédère et les producteurs s'en réjouissent. [...]
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