Au cours de deux leçons au Collège de France, Pierre Bourdieu se propose de mettre au jour les mécanismes sociaux de l'univers des journalistes de télévision. Son intervention est motivée par sa conviction que ces mécanismes menacent «différentes sphères de la production culturelle» et plus fondamentalement, la démocratie. Son but est de donner aux professionnels de la télévision «les armes et les outils» pour exercer leur métier dans de meilleures conditions
[...] Cette censure est bien plus subtile qu'une censure politique ou économique. Elle est anonyme et inconsciente (Pierre Bourdieu la qualifie de violence symbolique, qu'il définit comme une contrainte qui s'exerce avec la complicité de celui qui la subit). Son expression la plus visible, ce sont les faits divers qui font diversion, qui ne choquent personne mais ne touchent à rien d'important, meublant donc le temps rare de la télévision par des informations sans intérêt pour le citoyen. Cacher en montrant L'autre forme de censure consiste à travestir la réalité. [...]
[...] Le champ journalistique tend aujourd'hui à être dominé par la télévision, économiquement et symboliquement. Une force de banalisation Par sa puissance de diffusion, la télévision produit des effets qui se font sentir dans tout l'espace social. Or, voulant toucher le public le plus large possible, elle fournit une information uniformisée (information omnibus), banalisée, dépolitisée qui a des effets politiques et culturels dangereux. Détenant le monopole des instruments de production et de diffusion à grande échelle de l'information, les journalistes de télévision imposent leur vision du monde à l'ensemble de la société et en viennent à dominer tous les secteurs de la production culturelle, car ce sont eux qui donnent l'accès à la notoriété publique. [...]
[...] La pression de l'urgence, la bataille pour les parts de marchés, la surveillance anxieuse des concurrents font partie du quotidien des journalistes. De même, les effets pervers qui résultent de ces contraintes sont bien connus et depuis longtemps dénoncés: l'importance du fait divers, la recherche du sensationnel qui pousse les journalistes à divulguer des informations mal vérifiées, comme dans le scandale Clinton aux Etats-Unis. L'analyse de Pierre Bourdieu n'apporte donc pas d'éléments nouveaux sur ce qu'est le métier de journaliste de télévision. [...]
[...] Critique Sur la forme, on peut s'étonner du ton de l'ouvrage. Pierre Bourdieu entend critiquer la télévision, son but étant de dévoiler les contraintes cachées qui pèsent sur les professionnels qui y travaillent. Mais il va plus loin. Il accuse les journalistes des pires maux et stigmatisent ceux qui collaborent avec ces représentant de la dictature de l'audimat. Une telle attitude est-elle la meilleure pour comprendre un phénomène social? Cette attitude est à mettre en relation avec l'ambition réelle du livre: défendre l'autonomie du champ de la production intellectuelle, quelle qu'elle soit. [...]
[...] L'emprise de la télévision Dominant d'autres secteurs de la vie sociale (d'autres champs sociaux), la télévision les soumet par la même à la contrainte commerciale. Elle va par exemple gêner le déroulement normal de la justice en ce faisant le porte parole de l'émotion populaire (autre incarnation de l'audimat) et en s'octroyant le pouvoir de juger. De même, la télévision impose sa logique au champ littéraire en descernant des prix, c'est-à-dire une reconnaissance, aux écrivains qui accepte cette intrusion, voire l'instrumentalise. [...]
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