Sur la Télévision, Pierre Bourdieu, plateau, coulisses, fast thinking, audimat, journalisme, champ journalistique
Cet ouvrage de Pierre Bourdieu est la restitution sous forme écrite de deux leçons que réalisa Bourdieu dans le cadre du programme « Recherches au Collège de France », au cours de deux émissions, dans le but de mettre en garde contre le danger que représente la télévision, et de constater amèrement que « ce qui aurait pu devenir un extraordinaire instrument de démocratie directe ne se convertisse en un instrument d'oppression symbolique». Cet ouvrage reflète ainsi la vision qu'a Bourdieu de la télévision et plus globalement du monde journalistique et médiatique. Il n'est néanmoins pas un pamphlet accusateur contre la télévision et le monde journalistique, mais constitue bien plus un encouragement à plus de clarté et à une logique autre que celle de l'audimat. En somme, ce que critique Pierre Bourdieu, ce n'est pas tellement la télévision ou le travail journalistique en soi, mais bien plus la manière dont on se sert de ces outils, et le but qu'on leur assigne dans un cadre néo libéral.
[...] Le résultat à tout cela, c'est que les apparents débats télévisés ne soulèvent en réalité que les problèmes propres aux personnes qui interviennent dans ces émissions, c'est-à-dire des problèmes coupés de ceux du public, ou qu'ils s'ils le sont en apparence, ne sont en rien profonds. Ensuite, on voit l'existence de débats faussement vrais. Ceci sont donc des débats où sont sensés apparaitre tout type de personnes libres de s'exprimer sur le sujet en question, ce qui leur donne un semblant de véracité. Mais effectivement, cela n'est qu'un semblant dans la mesure où le système de censure est toujours à l'œuvre. On retrouve parmi ces opérations de censure celles exprimées plus haut, à savoir notamment le rôle de l'animateur qui arbitre totalement le débat. [...]
[...] La loi sur la répartition du temps de parole semble faussement égalitaire, dans la mesure où tous les intervenants d'un plateau ne sont pas égaux. En effet, certains sont des professionnels de la parole en public et savent faire passer leur idée en un temps donné, tandis que d'autres, simples témoins qui pourraient donner de la profondeur au débat, ne sont pas des habitués et auraient besoin de plus de temps pour exprimer leurs idées autant que les professionnels. Ainsi, pour qu'il y ait réellement égalité de la parole, il faudrait que l'on accorde plus de temps de parole aux non professionnels ou que le présentateur assiste et aide le non professionnel à exprimer son idée, sans la déformer bien sûr, ce qui est encore moins évident. [...]
[...] Cela a pour effet que même les journaux dits sérieux doivent faire des concessions à la logique de marché et trouver un compromis pour survivre dans un monde à dominante commerciale. L'emprise exercée par le champ journalistique sur les champs de production culturelle s'effectue pour une large part grâce à l'intervention de producteurs culturels situés entre le champ journalistique et les champs spécialisés. Bourdieu appelle ces producteurs culturels des intellectuels-journalistes qui par leur intervention provoquent deux effets importants : ils permettent l'introduction de nouvelles formes de production culturelle, à mi-chemin entre ésotérisme universitaire et exotérisme journalistique, donc ayant perdu de leur pureté et ils s'octroient le droit d'imposer des principes d'évaluation des productions culturelles, ce qui a pour conséquence de renforcer l'effet d'audimat, et donc de dénaturaliser l'objectif désintéressé des productions culturelles et d'obtenir une certaine autorité sur ces mêmes productions. [...]
[...] La circulation circulaire de l'information La logique de la concurrence, telle qu'on l'a évoqué plus haut, tend donc à une banalisation et à une uniformatisation de l'information. A partir de là, nous pouvons parler d'information circulaire de l'information En effet, les journalistes recherchent le scoop et doivent en même temps fournir au mieux les informations transmises par les autres journaux, pour garder le meilleur monopole possible dans l'information qu'ils fournissent. D'autre part, ils doivent tous répondre aux mêmes contraintes, ce qui tend à homogénéiser le milieu journalistique. [...]
[...] Par exemple, les champs de production culturelle sont soumis à la logique du champ journalistique, or, comme ils ne constituent pas la meilleure source de rentabilité, dictée par la logique commerciale, ils tendent à s'amenuiser. Les journalistes dont donc preuve d'une réelle pression sur de nombreux domaines de la société. Nous pouvons notamment trouver cette pression journalistique dans des univers tels que ceux de la science ou de la justice, puisque l'information concernant ces univers est véhiculée par les journalistes, qui l'oriente à leur gré. C'est l'autorité que leur confère la télévision qui permet aux journalistes d'exercer une pression dans les différents champs, alors même que leur spécialisation professionnelle ne le justifie pas forcément. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture