Le miracle de la télévision avait marché. C'était le début de l'adoption d'une posture spectaculaire et émotionnelle au détriment d'une posture rationnelle.
Depuis cinquante ans qu'elles existent à la télévision, les émissions politiques ont pris des formes très diverses. Les années 70 ont vu naître en France des émissions conçues sur le modèle où un invité politique se situe face à un éventail de journalistes puis les premiers débats entre professionnels de la politique. Dans les années 80, des émissions plus complexes ont été créées où les auditeurs étaient appelés à voter en direct afin d'exprimer leur approbation ou non avec les arguments de l'invité du jour. Les années 90 sont souvent décrites comme celles de l'indécision pour les responsables d'émissions ne sachant pas comment résoudre l'équation qui s'offraient à eux : l'obligation de réaliser un seuil d'audience élevé a obligé les responsables à renouveler les formules et à rechercher des formats ou des dispositifs nouveaux, soit en s'éloignant des formats classiques, soit en soumettant le discours politique à la contrainte des lois du divertissement tout en reportant à des horaires tardifs les émissions aux formules les plus classiques.
Que voit-on aujourd'hui à la télévision ? Des hommes politiques qui cèdent aux sirènes du divertissement en allant cher Drucker, Ardisson ou Fogiel. On les voit dans le canapé du premier, ou faire les marionnettes avec les mains chez le second. Et depuis le temps qu'on voit cela, sur toutes les chaînes, tous les soirs, on finit par penser que c'est normal.
La politique est ramenée au rang de divertissement et serait vouée à être marginalisée et remplacée par des émissions où la parole politique est caricaturée ou diluée dans le divertissement.
Face à ce constat, se pose la question de savoir quel est le processus historique qui amène la politique dans les émissions de divertissement et donc la question des effets de la cohabitation entre politique et médias.
La télévision ne laisse pas entrevoir les logiques qui en sous-tendent la réalité. Ces logiques regroupent divers ordres de phénomènes : social (implication du média sur les champs adjacents comme le champ politique), économique (production de programmes, financement des chaînes, jeu de la concurrence), politique (rapports du gouvernement à l'audiovisuel).
Ce qui apparaît à l'écran doit davantage être pensé comme le résultat émergent d'interdépendances entre une série d'agents sociaux, dont aucun ne contrôle parfaitement le produit final qui prend la forme de l'émission politique. Il faut chercher à comprendre la programmation en amont de l'écran, dans le démontage de ces rapports de force (§1) pour comprendre le phénomène croissant de mise en scène actuelle de la politique à la télévision (§2)
[...] Vers la liberté de l'information Le modèle du monopole public entre en crise sous une double pression : celle du mouvement social qui critique le contrôle politique de la télévision par les partis de gouvernement et celle des agences de publicité et de certains annonceurs qui veulent déverrouiller le marché publicitaire en période de croissance économique. La démonopolisation a en effet débuté avec l'apparition de la publicité de marques sur les écrans français, autorisée à partir d'octobre 1968. Jusqu'à présent, la télévision publique était uniquement financée par la redevance sur les téléviseurs. L'introduction de ressources privées annonçait le glissement du modèle politique au modèle économique, dans lequel des acteurs privés peuvent intervenir. [...]
[...] 1965 : première campagne électorale à la télévision L'édifice se fissure pour la première fois en 1965. C'est la première élection présidentielle au suffrage universel. C'est aussi la première campagne électorale à la télévision. Il est désormais impossible de faire comme si l'opposition n'existait pas. Certains journalistes essaient alors de montrer une autre France, celle des conflits sociaux, en créant des magazines comme Cinq Colonnes à la une. Mais la tourmente de mai 1968 met en lumière les effets de la censure, car l'événement lui-même sera très mal couvert, ou bien de façon partisane. [...]
[...] Les rapports entre espace public et espace privé s'en trouvent alors modifiés. Un talk show ne renseignera jamais sur l'état juridique et sociologique du divorce en France, ni ne fera appel à des démographes ; le divorce comme phénomène chiffré, traité par des institutions ne sera pas à l'ordre du jour. Mais le témoignage d'un citoyen anonyme se trouvera valorisé. Il en va de même pour le discours politique : imaginons-nous dans une situation ou nous sommes ministre, il nous faut réformer une entreprise publique. [...]
[...] La télévision est considérée comme la voix de la France, et par les Français et par l'étranger. Et cela impose une certaine réserve C'est le retour des pressions avec un ministère de l'Information. mandat de Giscard : libéralisation de l'information Poursuivant l'aménagement de la concurrence au sein du monopole, le gouvernement de Valéry Giscard d'Estaing fait voter une loi en 1974 qui dissout l'O.R.T.F. en plusieurs établissements indépendants, dont la S.F.P. (Société Française de Production), T.D.F. (TéléDiffusion de France, qui entretient le réseau national de diffusion), et les sociétés nationales de programmes télévisés correspondant aux trois chaînes, TF1, Antenne 2 et FR3. [...]
[...] De la course de petits chevaux à C'est mon choix : quels espaces pour la parole politique ? Pour Roland Cayrol, politologue et directeur de l'institut de sondage CSA, un discours prononcé par Richard Nixon en 1952 est une date charnière dans l'utilisation de la télévision par un homme politique. Nixon, candidat à la vice-présidence des Etats-Unis, est soupçonné de financement illicite. Il vient alors à la télévision expliquer qu'il est un homme honnête et avoue un cadeau, qu'il ne rendra pas, son chien, Checkers. [...]
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