[...] Dans un pays comme la France, qui défend la liberté de la presse, existe-t-il une censure au niveau des informations télévisées ?
Cette censure existe, mais elle est choisie par la chaîne de télévision elle-même. Elle est rattachée à la politique rédactionnelle : le contenu du JT est choisi, rien n'est laissé au hasard. On va choisir de montrer certaines choses, et à l'inverse, de ne pas montrer certaines autres choses.
Depuis quelques années, les journaux télévisés de chaque chaîne sont disponibles sur Internet, sur les sites des chaînes télévisées. Il y a quelques mois, France 2 a préféré éviter de mettre un de ces journaux de 20h en ligne. La ligue Odebi (ligue des associations de défense des internautes haut débit) a dénoncé cet acte considéré comme de la censure.
[...] Le JT est une émission qui se veut objective, un journal quotidien donnant un aperçu des informations actuelles les plus importantes. Cependant, chaque chaîne télévisée cherche à faire de l'audience afin d'augmenter le tarif de la diffusion de publicité. Ainsi, on donne aux gens les nouvelles qui les intéressent et non pas les nouvelles qu'on peut considérer comme les plus importantes. La télévision est donc certes objective, mais les informations diffusées ne sont pas choisies au hasard.
Par exemple, si le taux bancaire à Wallstreet monte de quelques points, cela aura des conséquences sur toute l'économie mondiale... mais comme cette information n'est pas forcément intéressante et claire pour les plus part des téléspectateurs, la chaîne préfèrera sans doute diffuser des images montrant le Prince Charles surpris avec une femme par exemple. (...)
[...] Les téléspectateurs semblent s'attacher à certain d'entre eux, alors ils choisissent parfois la chaîne qu'ils vont regarder en fonction de ce critère. Par exemple, sur TF1, Patrick Poivre D'Arvor présente le journal télévisé depuis 20 ans maintenant. Il a subi plusieurs procès, accusé d'abord d'avoir bidouiller un reportage sur Fidèle Castro, puis condamné pour abus de biens sociaux. Malgré tout, il reste incontestablement le présentateur préféré des français : aucune chaîne n'attire autant d'audience que son journal. Le choix du présentateur semble donc découler des goûts des français et non de son travail. [...]
[...] Pas le même métier, pas la même audience, pas les mêmes techniques. D'un outil de communication politique à un instrument commercial, le journal télévisé calque son évolution sur celle de notre société. Arnaud Mercier, maître de conférences en science politique (Université de Nice) et auteur d'un ouvrage sur "Le journal télévisé" (Presse de Sciences Po) analyse trois des facteurs principaux (en dehors du politique), qui ont transformé le traitement de l'information. De quelle façon les progrès technologiques ont-ils peu à peu changé le contenu des informations télévisées ? [...]
[...] Tout existe de façon latente. Ensuite, les évolutions techniques, qui vont de l'oreillette au satellite de télécommunication, ont amené deux modifications importantes : d'une part une logique du spectacle et de séduction beaucoup plus forte, et d'autre part une prise de risque plus grande quant aux dérapages journalistiques dus au direct. On parle de certains sujets parce qu'on peut le faire et pas forcément parce qu'on a quelque chose à dire. C'était le cas pendant la guerre du Golfe. C'est donc beaucoup plus superficiel. [...]
[...] Ceci pourrait inciter beaucoup de téléspectateur à changer de chaîne. La manière de montrer les informations est très importante également. Par exemple, en ce qui concerne la guerre en Irak, on ne voit que des attentats à Bagdad. Pourtant, ce n'est pas l'aspect le plus présent et le plus dramatique de cette guerre. Les choix de diffusion sont faits à partir des goûts, des connaissances et des capacités des téléspectateurs. Le journal télévisé de 20h s'adresse au grand public, qui a des goûts people et relativement peu de capacités. [...]
[...] Avec des millions, on est dans une logique de la demande : on s'adapte au goût du public. Comment s'est faite la professionnalisation des journalistes de télévision ? Au départ, les journalistes de la presse n'ont aucun intérêt à aller perdre leur indépendance dans un média politisé dont l'impact reste très limité. C'est quand le JT crée des rubriques qu'on commence à engager des journalistes spécialisés sur des critères de compétences professionnelles, et non pas politiques. C'était le cas de François de Closet, par exemple. [...]
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