Cet ouvrage de Pierre Bourdieu est la restitution sous forme écrite de deux leçons que réalisa Bourdieu dans le cadre du programme « Recherches au Collège de France », au cours de deux émissions, dans le but de mettre en garde contre le danger que représente la télévision, et de constater amèrement que « ce qui aurait pu devenir un extraordinaire instrument de démocratie directe ne se convertisse en un instrument d'oppression symbolique». Cet ouvrage reflète ainsi la vision qu'a Bourdieu de la télévision et plus globalement du monde journalistique et médiatique. Il n'est néanmoins pas un pamphlet accusateur contre la télévision et le monde journalistique, mais constitue bien plus un encouragement à plus de clarté et à une logique autre que celle de l'audimat. En somme, ce que critique Pierre Bourdieu, ce n'est pas tellement la télévision ou le travail journalistique en soi, mais bien plus la manière dont on se sert de ces outils, et le but qu'on leur assigne dans un cadre néo libéral.
[...] Dans les années 50, il régnait une double domination sur les personnes de la télévision : d'une part dominés du point de vue culturel, symbolique, ou même du point de vue du prestige ou dépendants des pouvoirs politiques, elles étaient aussi dominées économiquement par le fait que leur survie dépendait des subventions accordées par l'Etat. Or, la situation semble s'être aujourd'hui inversée. La télévision tend à devenir dominante dans le champ journalistique, que cela soit économiquement ou symboliquement, alors qu'avant, sa place y était minime. Cela a d'ailleurs nettement contribué à la crise de la presse écrite. [...]
[...] En effet, l'imposition d'un pouvoir médiatique dans le domaine scientifique a des répercutions et ne peut se faire que par une certaine collaboration des scientifiques avec les médias en question. Ainsi, la transmission des connaissances scientifiques peut être facilitée par la présence des médias, c'est pourquoi les scientifiques auront tendance à solliciter leur accès aux médias. Et c'est à partir de là que l'on peut analyser le rapport de dépendance entre scientifiques ou plus globalement invités et médias, selon la loi de Jdanov, telle que l'appelle Bourdieu : en effet, plus les chercheurs auront déjà une reconnaissance chez leurs pairs et donc déjà une légitimité, plus ils seront enclins à résister à la pression médiatique ; à l'inverse, plus les chercheurs seront hétéronomes et à la recherche du profit, plus ils seront tentés de collaborer avec le pouvoir médiatique. [...]
[...] Nous voyons alors ici un lien direct entre l'homogénéisation du travail des journalistes et l'uniformatisation et la banalisation des contenus diffusés. Les journalistes, qui se font les porte-parole du bon sens et travaillent à faire consensus, sont maîtres dans ce qui permet de diffuser l'information à grande échelle et de la propager à travers de larges publics. Ce monopole leur permet souvent de s'attirer des convoitises qui ne sont pas nécessairement justifiées par leurs capacités intellectuelles mais par le monopole qu'ils détiennent sur le public ; ils ont le pouvoir sur les moyens de s'exprimer publiquement, d'exister publiquement Ainsi, nous pouvons tout à fait considérer que le monopole des journalistes contribue à imposer leur vision des choses, de la manière dont ils le souhaitent. [...]
[...] Ainsi, les actions du journaliste sont forcément conditionnées par la position économique et la côte de popularité de l'organe de presse dont il dépend. Les journalistes dépendent donc de la concurrence présente un échelon au dessus d'eux, au niveau des chaînes et des journaux eux-mêmes. A partir de cela, il faut aussi considérer le positionnement mondial de chaque organe médiatique pour déterminer la tactique à laquelle devra obéir le journaliste. Cette situation ne peut se comprendre que par une prise en compte de l'histoire qui fut celle de la structure journalistique. [...]
[...] La loi sur la répartition du temps de parole semble faussement égalitaire, dans la mesure où tous les intervenants d'un plateau ne sont pas égaux. En effet, certains sont des professionnels de la parole en public et savent faire passer leur idée en un temps donné, tandis que d'autres, simples témoins qui pourraient donner de la profondeur au débat, ne sont pas des habitués et auraient besoin de plus de temps pour exprimer leurs idées autant que les professionnels. Ainsi, pour qu'il y ait réellement égalité de la parole, il faudrait que l'on accorde plus de temps de parole aux non professionnels ou que le présentateur assiste et aide le non professionnel à exprimer son idée, sans la déformer bien sûr, ce qui est encore moins évident. [...]
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