La grenouillère, Renoir, 1869, Monet, atelier de Gleyre, Nationalmuseum de Stockholm, impressionnisme
En 1869, Monet et Renoir, qui se sont rencontrés à l'atelier de Gleyre, ont respectivement 29 et 28 ans. Désabusés par l'échec de leurs toiles au Salon, ils s'installent l'un à Bougival, l'autre à Louveciennes. L'état de leurs finances est catastrophique, surtout Monet, père de famille hébergé chez ses parents qui vit essentiellement grâce au soutien de Bazille et qui peine même à s'acheter des couleurs pour peindre.
[...] La peinture en plein air est effectivement une caractéristique des impressionnistes Si peindre en plein air est rendue possible par l'apparition des couleurs en tubes au milieu du XIXe siècle, peindre sur le motif est surtout l'occasion d'affirmer un nouveau positionnement pour les impressionnistes : ce n'est pas tant le sujet peint qui importe, mais leur vision et leur recherche picturale. L'artiste est libre de peindre ce qu'il voit. La formule de Manet : Je peins ce que je vois, et non ce qu'il plaît aux autres de voir résume ce changement radical et assumé du statut de l'artiste. Les peintres de plein air vont donc chercher à traduire, selon Théodore Duret : le rendu du plein air et l'effet que produisent les variations constantes et imperceptibles de la lumière sur les éléments. [...]
[...] Les coups de pinceau tout comme les couleurs avec lesquels Renoir peint l'eau sont très es. Concernant la Grenouillère de Monet, ce dernier réussi à rendre le mouvement de l'eau étincelant réalise par une touche plus large que chez Renoir et des contrastes plus marqués. Sa peinture reflète sa capacité d'organiser et de structurer la scène avec clarté. À ce sujet Mallarmé déclare d'ailleurs en 1876 : Claude Monet aime l'eau et il a un talent tout particulier pour représenter sa mobilité et sa transparence qu'elle soit mer ou fleuve, grise et monotone, ou coloré par le ciel. [...]
[...] Renoir explore l'expérience du visiteur de la grenouillère en offrant une description plus précise de leurs accessoires et de rencontres dans une nature exubérante. En effet, l'artiste s'est formé le regard durant sa jeunesse au contact des peintres de vases de porcelaine, ce qui le rend plus attentif aux détails. On peut voir ici l'attention qui est donnée aux costumes, comme les robes des deux femmes dont il rend sensible la qualité des étoffes. Ces personnages portent des tenues représentatives de leur classe sociale, qu'on retrouve encore dans le tableau de Moscou où Renoir a peint les promeneurs sur la berge, vêtus à la mode de l'époque. [...]
[...] Renoir et Monet trouvèrent avec cet établissement de bains un motif exceptionnel alliant une nature superbe à une foule bigarrée et joyeuse et peignirent en spectateurs cet univers. Elle devient pour eux l'emplacement idéal pour créer une peinture qui n'est ni paysage, ni un portrait, mais une peinture présentant un aspect typique de la vie moderne, la même que celle dépeinte dans les magazines populaires de l'époque. La Grenouillère était en effet fréquemment illustrée par des annonces dans les magazines et les illustrations populaires. Renoir a donc peint ici un véritable moment de vie, un moment désinvolte et insignifiant de la réalité. [...]
[...] Ces artistes travaillent à une nouvelle manière de peindre, liée à une nouvelle manière de voir. Il s'agit pour eux de retranscrire une sensation immédiate, de rendre les effets lumineux du ciel et de l'eau, la vibration colorée de leurs effets changeants. Renoir va ainsi rompre par sa peinture avec le passé en cherchant à traduire la fugacité des sensations et va essayer de capturer les variations lumineuses dans le paysage. Il n'oublie pas certains détails qui rendent encore plus véridique la scène, comme les deux chiens ou encore au fond, dans la zone plus ensoleillée, les baigneurs. [...]
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