Serge Rachmaninov jouit d'un embarrassant privilège. Celui de ne pas pouvoir être catégorisé. Est-ce un musicien romantique ? Un compositeur nationaliste ? Sa musique peut-elle être qualifiée de russe ou de cosmopolite ?
Rachmaninov est un des rares hommes que l'on peut à la fois considérer comme un excellent pianiste, un remarquable compositeur, un chef d'orchestre qui a fait ses preuves. Un triptyque qu'il mènera de mains de maîtres, en dépit de ses inquiétudes initiales (« Je n'ai jamais totalement pu me décider ni savoir quelle était ma vraie vocation : celle de compositeur, de pianiste, ou de chef d'orchestre. J'ai peur qu'en cheminant dans trop de domaines à la fois, je ne fasse pas le meilleur usage possible de ma vie. Comme dit le vieux dicton russe, « j'ai couru trois lièvres à la fois » - mais puis-je être sûr d'en avoir au moins attrapé un ? »). Un pari difficile à relever : pourtant, comment expliquer qu'un même homme ait pu être qualifié de «dernier grand représentant du romantisme russe tardif » , de « seul grand chef d'orchestre russe, chef envoyé de Dieu » , de « plus fascinant des pianistes depuis Busoni » ?
Nous tenterons dans cette étude complète sur ce célèbre compositeur d'apporter des réponses à cette question
[...] La Russie de l'élève Il démarre le piano de façon précoce, et à sept ans il sait déjà jouer de mémoire un lied de Schubert. Devant la stupéfaction générale de la famille face à son aisance précoce, on décide de lui administrer un premier professeur attitré : Anna Ornatskaïa. Pendant les étés qu'il passe chez sa grand-mère, Serge voyage : il l'accompagne dans les églises, les couvents, les cathédrales des alentours pour y écouter des chœurs et le son si évocateur des cloches et des carillons. Ensemble, ils assistèrent à de très nombreux offices religieux. [...]
[...] Khovanstchina orchestre autour de la Marfa le chant mystique et ascétique du slavophilisme, mais c'est un legs au siècle suivant. Médecin militaire puis professeur de chimie, Borodine, d'ascendance caucasienne, est le plus oriental des compositeurs russes. Il écrit à partir de 1869 la partition du Prince Igor, sur une chanson de geste assez analogue à la Chanson de Roland ; des fragments -dont les danses polovtziennes sont joués en 1878, mais l'œuvre ne sera achevée qu'après sa mort neuf ans plus tard par ses émules. [...]
[...] Les entrées de Rachmaninov sur scène étaient légendaires. L'homme à la stature élancée et à la coiffure militairement rasée s'avançait avec une allure impériale jusqu'à son piano. Il avait ses rituels : après avoir salué son public gravement sans l'esquisse d'un sourire, ne laissant rien transparaître sur son visage et gardant le buste droit, il semblait vouloir conserver une distance minimale avec son instrument lorsqu'il jouait. Etre à la fois compositeur et interprète prédisposait à certaines qualités que l'artiste analysa lui-même: J'estime personnellement qu'un interprète, tout en étant un excellent musicien, ne peut jamais atteindre la profondeur de sentiment d'un compositeur, ni développer la gamme des couleurs musicales comme le fait le créateur, car ceci est vraiment une capacité due au talent de compositeur Grâce à cette faculté, Rachmaninov possédait une vision d'ensemble de l'œuvre qu'il interprétait, fut-elle d'un autre compositeur. [...]
[...] D'abord par son mode de vie à la russe notamment lorsqu'il passera ses étés à Clairefontaine en France entre 1929 et 1931 : il y habite un pavillon entouré d'un parc vaste et dégagé, il y parle russe, y boit le thé le soir, y reçoit Chaliapine, le neveu de Tchekhov, N. Medtner, J. Conus Ensuite par son attachement à son pays dans la volonté de se rendre utile, de loin, pour chez lui. Il envoie régulièrement de l'argent à ses amis et condisciples, aux victimes de la famine, à des écoles, des conservatoires, minés par la guerre puis le régime. Sciences sociales et Humanités La nostalghia dans l'exil. [...]
[...] ( ) Le son de cloches d'églises dominait toutes les villes russes que j'ai connues : Novgorod, Kiev, Moscou. Ces cloches accompagnaient chaque Russe de son enfance jusqu'à la tombe et aucun compositeur ne pouvait échapper à leur influence Cet amour des cloches est inhérent à chaque Russe. L'un de mes meilleurs souvenirs d'enfance est associé aux quatre sons des grandes cloches de la cathédrale Sainte-Sophie de Novgorod que j'ai si souvent écoutées lorsque ma grand-mère m'accompagnait à la ville lors de festivals d'église. Les sonneurs de cloches étaient de vrais artistes. [...]
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