Nous allons voir que le jazz émerge dans le contexte particulier de l'exploitation des esclaves Noirs arrivés dans le Nouveau Monde, et qu'il ne s'est pas développé de la même façon dans d'autres lieux d'esclavages ou même avec la venue des européens en Afrique sous la colonisation. Le jazz est donc à l'origine le produit de circonstances historiques particulières.
Sa forme évoluera par la suite, lorsque le jazz quittera le Sud des Etats-Unis pour s'étendre au Nord, où les conditions des Noirs ne s'améliorent pas, malgré l'absence de lois raciales. L'évolution du jazz suivra l'évolution de la mentalité de ses musiciens ; avec leur rejet toujours plus fort de la discrimination dont ils sont victimes, avec la revendication de leur identité comme fierté face aux Blancs, et avec finalement la radicalisation de leurs luttes et leur engagement politique, le jazz changera de forme.
Du swing, exploité par les Blancs à des fins économiques et enfermé dans un cadre stylistique précis, au free jazz, revendication ouverte des droits des Noirs américains et libéré de toute contrainte, en passant par d'autres nombreuses formes comme le be-bop ou le cool jazz, cette musique semble donc bien avoir été produite par l'histoire des américains et avoir évolué parallèlement à celle-ci.
Le jazz apparaît en fait progressivement comme le moyen d'expression politique des Noirs américains, qui, dépossédés de toute autre forme d'expression, se servent de leur musique, qui est devenu un symbole de leur identité.
Plus qu'une musique, le jazz est donc assimilable à un véritable phénomène culturel, qui se répercute jusqu'à aujourd'hui. La vaste étendue que recouvre le terme de jazz nous oblige donc à poser des limites temporelles pour notre analyse, qui s'intéresse plus particulièrement au jazz comme moyen d'expression politique des Noirs américains et comme véritable produit de leur histoire. Il nous est donc indispensable de remonter jusqu'aux origines, pour aboutir au point culminant de son utilisation en tant que moyen d'expression et de revendication, qui réside dans les années 1950-1960, afin de montrer la véritable relation qui existe entre le jazz et son environnement socio-politique.
Enfin, l'analyse du jazz que nous ferons ici sera une l'analyse du jazz aux Etats-Unis car notre intérêt est de démontrer qu'il est le produit de l'histoire américaine ; sa diffusion en Europe ne pourrait pas nous éclairer sur le lien entre histoire et jazz et entre contexte socio-politique et musique.
[...] Ces éléments de tradition triomphent du brassage des cultures, des coutumes et de la multiplicité mêlée des dialectes. La musique noire américaine est donc à la fois le fruit de la mémoire et de l'oubli. Une sorte de panafricanisme se met en place sur le continent avec la dispersion des tribus, mais qui est coupé de ses racines lorsque la traite des noirs cesse. Avec l'urbanisation et l'intégration lente et progressive, une nouvelle musique va naître : les musiques européennes contaminées par un folklore africain résiduel, toujours réimaginé et modifié. [...]
[...] Le solo, dès lors, ne cessera de gagner en importance. Un peu plus tard, avec le second grand exode de l'histoire du jazz, de Chicago vers New York, le swing apparaît. De grands orchestres apparaissent, ceux de Goodman, ceux de Armstrong, avec un mélange de styles (la musique néo-orléanaise se mêla à une approche plus européenne de la musique avec le jazz blanc de Chicago) et de tendances (parallèlement au développement des orchestres, le soliste acquiert toujours plus d'importance). Mais le swing devint rapidement un outil promotionnel, un style de jeu très commercial. [...]
[...] On retrouve donc des héritiers de la grande tradition de Louis Armstrong à John Coltrane, qui ne sont pas tellement affectés par les nouvelles modes et tendances. - Une nouvelle génération de musiciens du free jazz émerge également, face à la musique de fusion qui envahit la scène des années 1970 et devient rapidement un gros succès commercial. On pourra aussi assister à un come- back impressionnant du swing et du be-bop. Cela montre à nouveau l'impossibilité de détacher le jazz actuel de son histoire passée. [...]
[...] Certains Etats interdirent même les instruments de musique africains, notamment les tambours, qui auraient pu servir à diffuser les appels à la révolte. Les langues et les croyances ne survécurent donc pratiquement pas à cet éclatement, même si l'influence de la musique noire originelle est certaine dans le jazz. En effet les Africains nouvellement arrivés étaient dans l'impossibilité de perpétuer leurs rites, de sauvegarder leurs rythmes et instruments. Déportés, décimés par les conditions de la traversée terrible, dispersés sur les marchés d'esclaves, les noirs durent se reconstruire une culture à partir du reste de leurs traditions, et des emprunts à celle de leurs propriétaires d'origine européenne. [...]
[...] Les esclaves noirs fréquentèrent donc les églises blanches, jusqu'à ce que la ségrégation se généralise. Les noirs trouvèrent dans l'église un premier lieu d'expression, un lieu d'espoir : ils laissèrent s'épanouir la spontanéité de leur ferveur religieuse. Les noirs se mirent à traiter les cantiques à leur façon. La différence venait des notes : le si et le mi étaient bémolisés dans la gamme de do majeur, c'est à dire chantés un demi-ton plus bas que normalement (deux notes caractéristiques de la gamme mineure introduites dans la gamme majeure). [...]
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