Au regard de cet écrit, ce travail se situe dans un prolongement certain de celui mené auparavant sur l'observation et l'analyse de quelques "authentiques" composantes socio-ethnologiques portées par les anciens du mouvement hip hop en France. Cela s'était fait par le biais d'échantillons représentatifs du groupe des pionniers du hip hop en France, en comparaison de hip hoppers plus jeunes ou de non-initiés. Il m'est donc important de souligner prématurément, que, dans une certaine continuité, je m'intéresserai parmi d'autres questions dans cet écrit, aux artefacts qui auraient pu historiquement constituer à terme, une fondation véritablement digne du qualificatif de "culturelle" au sens ethnologique pour le mouvement hip hop, une vingtaine d'années après son apparition. En tant que tel, ce dernier semble en effet s'être placé sous les feux de l'existence, à la suite d'une construction artificielle initiale issue de la Zulu Nation, ayant pour socle la mise en avant de règles, de valeurs et de manières de faire, qui, dans l'optique d'une perpétuation et d'une conservation au fil des décennies de son émancipation, aurait sans doute permis la constitution d'une véritable culture hip hop (d'un point de vue ethnologique) pour l'ensemble de ses disciples actuels. Faute d'induire par là qu'il n'existe aujourd'hui véritablement pas ou plus de culture hip hop, je devrais exposer à l'instant une nuance qui m'est apparue au fil de mon travail précédent : il semblerait en fait que les pionniers ou les plus anciens du mouvement (ceux qui ont au moins quinze ans de "pratique", et qui ont donc vécu l'époque où le poids de la Zulu Nation était beaucoup plus fort), aient plus de chance de porter en eux un système de valeurs, de normes et d'attitudes spécifique à la mouvance hip hop originelle. Par différenciation avec ceux qui ne se sont lancés dans le hip hop que depuis quelques années (c'est à dire environ six ans ou moins) et qui semblent de façon plus fréquente, concevoir les disciplines du hip hop comme faisant partie du vaste champ des activités dites artistiques, culturelles ou physiques, avec assez souvent en arrière plan rapproché, l'optique d'une potentielle professionnalisation ou acquisition de pouvoir symbolique d'ordre quasi-sportif. Car il faut noter que depuis ces dernières années, le développement du hip hop, sa confrontation aux institutions, sa professionnalisation, sa marchandisation… ont creusé les sillons d'un engagement dans la pratique, d'une évolution globale placés sous des signes qui n'ont cesse de s'éloigner des fondements culturels originels du hip hop. A titre d'illustration brève, le caractère contestataire du mouvement hip hop semble désormais s'être mué en paramètre « spectaculaire » debordien d'une société marchande ; par ailleurs la spécialisation liée à la division du travail appliquée au hip hop aboutit désormais à un éloignement dissociatif des disciplines du hip hop ; quant aux succès des "battles ", ils nourrissent désormais des inspirations sportivistes. Ces états de faits pourront donc me conduire dans mes propos à différencier hip hop originel et hip hop des années 1990-2000.
[...] Cet espace qui calque ses contours selon les premières et primaires formes de regroupement humain, offre les conditions spatiales d'expression de la danse et semble se concevoir de façon différente selon les cultures. Aux Etats Unis, les hip hoppers semblent lui allouer un certain caractère de propriété. C'est à dire qu'il correspond à un espace sur lequel règne son créateur originel, tel le danseur. La danse étant le vecteur de l'affirmation de sa personnalité et de son identité, il s'agit alors d'un espace dont la propriété est liée à l'identité de danseur. [...]
[...] En zone rurale, même chez des danseurs ayant dix ans de pratique, elle semble moins fréquente voire absente parfois. Cet état de fait peut déboucher naturellement sur la formulation d'une seconde hypothèse : le défi est moins présent en zone rurale du fait du faible impact historique de la Zulu Nation qui s'est plutôt manifestée dans la capitale. Les danseurs qui sont éloignés géographiquement des épicentres du mouvement hip hop que sont les très grandes villes, et qui n'ont connu le hip hop que de façon médiatisée, n'ont pas adopté ou connaissent mal la pratique du défi. [...]
[...] D'un point de vue systémique, le défi peut donc émerger comme le moteur d'une évolution technique de la danse hip hop, mais qui se laisse de plus en plus envahir par des motivations d'ordre sportif. - E4 : [ . ] t'avais une seule envie c'est que la boîte elle recommence, c'était tous les dimanches, quand j'allais à l'école je pensais qu'au Bataclan, parce que t'as vu des choses et toi, tu t'dis, "oh là là, putain il l'ont applaudi sur ça, oh c'est fort!" T'as pas une haine, c'est trop fort! [...]
[...] T'es obligé de garder la même intensité! Dès que tu commences à baisser, ça y est c'est perdu! C'est un KO! III La nouvelle génération La nouvelle école fait quant à elle montre de la conception du défi comme étant un système de confrontation où l'intensité doit progresser de façon constante. - E4 : Aujourd'hui j'arrive, euh, un gars qui vient, qui soulève des kilos, il soulève 1 kilos, le gars il doit te soulever 2 kilos kilos kilos, ça doit monter. [...]
[...] Elle doit exploiter la subjectivité inhérente à toute observation en la considérant comme la voie royale vers une objectivité authentique plutôt que fictive. Cette objectivité doit être définie en fonction de ce qui est réellement possible, plutôt qu'en fonction de ce qui "devrait être"[35] Ainsi il faut concevoir que, les artifices heuristiques les techniques d'enquête que l'on interpose entre nous-même et nos sujets, tels des filtres visant à réduire les distorsions liées à la subjectivité, produisent des déformations qui leur sont propres ( et qui restent d'ordinaire méconnues[36] Il faut donc tenir compte des altérations induites par les filtres ou notre propre subjectivité (elle-même socio historiquement construite) car elles font partie de ce qui constitue les données fondamentales d'une recherche scientifique. [...]
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