La Troisième symphonie de Brahms fut créée à Vienne le 2 décembre 1883, sous la direction de Hans Richter. Ce dernier la nomma « Héroïque », comme pour vouloir créer un lien de parenté avec l'œuvre d'un illustre prédécesseur. Mais, malgré tout le respect que nous avons pour Richter, il semble que ce titre ne convienne pas tout à fait à cette symphonie. Car, si l'adjectif « Héroïque » caractérise la détermination, la victoire culminant dans un mouvement final triomphal, alors cette œuvre ne l'est pas (prenons comme simple preuve la fin qui se termine dans un certain apaisement très peu héroïque). Cette même fin échappe d'ailleurs à l'usuel martèlement de la tonalité principale que l'on peut retrouver dans un certain nombre de symphonies de Beethoven (dont l' « Héroïque », mais aussi la Cinquième ou encore la Huitième, avec peut-être dans cette dernière un brin d'ironie) et qui deviendra un cliché du genre, dont Satie se gaussera allègrement dans les Embryons desséchés (1913). L'ombre de Beethoven plane-t-elle sur Brahms ? Certainement, et cela explique sans doute pourquoi il vint à la symphonie aussi tardivement (la 1ère date de 1876). Comme nous l'avons évoqué précédemment, certains commentateurs n'ont pas hésité à relier les symphonies de Brahms à celles de Beethoven, avec plus ou moins de pertinence. L'un des rapprochements qui nous semble intéressant est celui d'Ernest Ansermet qui lie la Troisième de Brahms, non pas à l' « Héroïque », mais plutôt à la Huitième :
« Cette Troisième de Brahms ne serait-elle pas fille de la Huitième, en fa majeur aussi, de Beethoven ? Mêmes proportions générales même caractère d'intermezzi aux deux mouvements intermédiaires, même apparition mélodique insolite au deuxième thème du premier mouvement, avec l'insistance d'un motif caractéristique, et de la même veine. »
Toutefois il semble que la comparaison s'arrête là. Car bien que fondant son matériau dans des formes héritées du classicisme, il y a dans la musique de Brahms une réelle pensée progressiste qui remet en cause le fameux conflit qui l'opposa à Wagner. L'image d'un Brahms conservateur et académique, face à un Richard Wagner moderne, demande à être sérieusement revue. L'un des premiers à s'être exprimé sur ce sujet fut Arnold Schönberg, qui, en 1933 à l'occasion du centième anniversaire de la naissance de Brahms, donna une conférence au titre quelque peu provocateur pour les wagnériens inconditionnels de l'époque : Brahms the progressive.
Rentrons maintenant plus dans le détail de cette Troisième symphonie en fa majeur et intéressons-nous plus particulièrement à l'allegro final.
[...] Cette première version du thème A nous conduit à un accord de dominante de fa mineur puis une nouvelle fois au thème cette fois-ci harmonisé et augmenté. En effet, les réb noires des première et troisième mesures deviennent des blanches pointées, faisant ainsi apparaître une construction de phrase irrégulière. Les quatre mesures du thème dans sa forme première (Ex.1) sont maintenant au nombre de cinq. Cette irrégularité thématique constitue l'un des points importants de l'argumentation de Schönberg[5]. Comme nous l'avons précisé précédemment, l'ambiguïté tonale reste ici entière puisque Brahms prend soin de ne pas faire clairement apparaître la tonique dans l'accompagnement en pizzicato de contrebasses. [...]
[...] Or ici la tierce mineure sol-sib fait partie de l'accord de dominante de fa. Il est toujours envisageable de sous-entendre ré comme fondamentale de l'accord de septième diminuée, qui pourrait être interprété, en poussant la réflexion plus loin (peut-être trop loin) comme dominante de la dominante de do, lui-même dominante de fa. Sauf que la présence dans la partition de la note ré#, aux cordes par exemple, donne à repenser cet accord de septième diminuée. Tel qu'il est écrit dans la partie de premiers violons, il semble que le si soit la fondamentale sous- entendue. [...]
[...] La victoire éclatante du fa M est elle aussi écourté puisque l'accord majeur joué fortissimo à la m.170 laisse place à la mesure suivante à l'accord mineur. Là encore Brahms dresse habilement un rappel du premier thème de l'allegro con brio initial où nous trouvions ce même enchaînement direct entre l'accord de fa M et fa m : Exemple 3 : thème 1er mouvement. Mais revenons un instant sur un élément particulier rencontré lors du retour du thème de l'andante. [...]
[...] Notons d'ailleurs que, comme dans le premier mouvement, la relation de tierce majeure est de nouveau utilisée ici entre le fa du thème A et le réb du thème de l'andante. Le mib des trombones débouche sur le thème A varié et développé pour mener droit au second thème de cette exposition : Exemple 2 : thème B Celui-ci est en do majeur, mais, comme nous le dit Frisch, est tout sauf stable En effet, tout comme le thème il se déroule en grande partie sur la dominante de do. [...]
[...] Toutefois il semble que la comparaison s'arrête là. Car bien que fondant son matériau dans des formes héritées du classicisme, il y a dans la musique de Brahms une réelle pensée progressiste qui remet en cause le fameux conflit qui l'opposa à Wagner. L'image d'un Brahms conservateur et académique, face à un Richard Wagner moderne, demande à être sérieusement revue. L'un des premiers à s'être exprimé sur ce sujet fut Arnold Schönberg, qui, en 1933 à l'occasion du centième anniversaire de la naissance de Brahms, donna une conférence au titre quelque peu provocateur pour les wagnériens inconditionnels de l'époque : Brahms the progressive[2]. [...]
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