« C'en [est] donc fait de la Russie. Elle n'[a] une armée que pour assister à la chute de ses villes, et non pour les défendre. » Au soir du 17 août 1812, Napoléon, s'étant rendu maître de Smolensk, point stratégique abandonné par l'armée russe à ses occupants, exprime sa certitude inébranlable d'une prochaine reddition du tsar Alexandre Ier, en ces mots que lui prête son aide-de-camp Ségur. Sans le moindre affrontement majeur, la Grande Armée a alors déjà conquis la Lituanie, et une part importante du territoire russe, voyant sans cesse l'armée d'Alexandre battre en retraite à son approche ; malgré l'état de fatigue et de démoralisation croissant des troupes, l'état-major se félicite de ces victoires faciles, et méprise ouvertement son ennemi pour sa lâcheté. Pourtant, sans s'en rendre compte, Napoléon court à sa perte : ce plan de retraite, finement organisé par les généraux russes, vise à affaiblir le « maître de l'Europe », que rien n'arrête dans ses conquêtes, afin de mieux le prendre à revers le moment venu. La retraite de Russie est une véritable débâcle : la Grande Armée, déjà réduite par la désertion et la rudesse de l'hiver, est décimée - au sens littéral - par les cosaques ; l'hiver 1812 signe ainsi le premier échec de Napoléon, et la victoire éclatante de la nation russe face à son oppresseur.
[...] Tchaïkovski Analyse historique d'une œuvre d'art par Adrien Aulas C'en [est] donc fait de la Russie. Elle n'[a] une armée que pour assister à la chute de ses villes, et non pour les défendre.1 Au soir du 17 août 1812, Napoléon, s'étant rendu maître de Smolensk, point stratégique abandonné par l'armée russe à ses occupants, exprime sa certitude inébranlable d'une prochaine reddition du tsar Alexandre Ier, en ces mots que lui prête son aide-de-camp Ségur. Sans le moindre affrontement majeur, la Grande Armée a alors déjà conquis la Lituanie, et une part importante du territoire russe, voyant sans cesse l'armée d'Alexandre battre en retraite à son approche ; malgré l'état de fatigue et de démoralisation croissant des troupes, l'état-major se félicite de ces victoires faciles, et méprise ouvertement son ennemi pour sa lâcheté. [...]
[...] Les victoires françaises et le recul des russes 5'36-7'01 : la grosse caisse et les cymbales sonnent le premier coup de la bataille ; les élans associés des cordes et des cuivres, les puissants coups de la grosse caisse, l'air de La Marseillaise, repris cette fois par la trompette traduisent les assauts triomphants de l'armée française sur l'arrière-garde russe. Les reprises en decrescendo de La Marseillaise par les cuivres (à partir de 6'33) signent la victoire française (peut-être la prise de Smolensk). [...]
[...] L'illustration de ces thèmes à la fin du XIXe siècle, alors que se ravivent les tensions diplomatiques en Europe, n'est pas anodine, et l'œuvre en elle-même présente un intérêt historiographique non moindre que celui de son contenu. Comment donc, et pourquoi Tchaïkovski traduit-il en une ouverture symphonique l'épisode de la tentative échouée de conquête française de la Russie en 1812 ? Nous nous attacherons dans un premier temps à mettre en parallèle, à partir de l'écoute de la pièce2 et de l'étude de récits détaillés de la campagne de Russie, les faits et leur retranscription musicale ; dans un deuxième temps, nous observerons les circonstances particulières de création et de présentation de l'œuvre. [...]
[...] L'Ouverture 1812 est donc, de ce point de vue, peut-être la cristallisation la plus représentative des codes académiques de la deuxième moitié du XIXe, âge d'or de la musique symphonique russe : il n'est d'ailleurs pas anodin que l'œuvre en question ait été si souvent jouée à travers le monde entier, à l'époque comme de nos jours (le thème final est utilisé dans un grand nombre de films et de spots télévisés). La Russie demeure en effet, en partie grâce à sa stabilité politique (relative, mais supérieure à celle des États d'Europe occidentale et centrale), un foyer culturel prépondérant jusqu'au début du XXe, assez imperméable aux intrusions du romantisme et du libéralisme. Tchaïkovski, avec son Ouverture 1812, se fait l'un des hérauts les plus importants de cette riche culture classique russe. [...]
[...] 1. Encyclopaedia Universalis 2. [...]
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